Un phénomène irritant
Je ne sais pas si vous avez déjà remarqué, mais pendant longtemps, la moitié des sketchs et des vidéos vaguement drôles sur YouTube commençaient par cette phrase. J’appelle cela le rétro humour, une technique consistant à raconter une situation où la personne en face se dit « ah ouais, trop vrai, mdr ». C’est comme se voir dans un miroir. Je suis sûr qu’un intellectuel plus brillant que moi a déjà théorisé ce phénomène.
Évolution des contenus humoristiques
C’est ainsi qu’une vidéo YouTube en facecam avec des mini sketchs de 20 secondes pour illustrer des situations est devenue… un podcast. Pourquoi ce terme a-t-il été utilisé à l’époque ? Aucune idée. Les codes, c’est ça : un ensemble de règles, généralement tacites, permettant à un groupe d’agir ensemble et de maintenir une certaine conformité.
L’illusion de « casser les codes »
Casser les codes, ce n’est pas nouveau. En réalité, c’est aussi vieux que l’histoire. Le XXe siècle, en particulier, a été un siècle de rupture des codes, notamment artistiques. Pourtant, ni Breton, ni Duchamp, ni Prévert, ni Picasso n’ont affirmé vouloir casser des codes. Ils ont simplement pratiqué des manières d’expression différentes. Breton les a même théorisés dans un splendide Manifeste (oui, je suis fan d’André, et alors ?).
Les pseudo-révolutionnaires de LinkedIn
Récemment, je lisais un créateur de contenu affirmant qu’il cassait les codes de LinkedIn. Comme beaucoup de ceux qui l’affirment, il se rassurait comme il le pouvait. Affirmer quelque chose, c’est surtout démontrer que cette affirmation ne va pas de soi. La réussite quantitative sur LinkedIn repose précisément sur une série d’habitudes professionnelles, revisitées à la sauce cool.
Le rituel du selfie et autres astuces
Et j’te colle un p’tit selfie. Et j’te mets une accroche qui fait réagir, même si je dis en fait l’inverse. Et j’te mets des espaces et des retours à la ligne parce que… voilà. Ce qu’il y a de sous-entendu dans ce discours, c’est que pour innover, il faudrait changer les conventions admises. Mais les standards des réseaux sociaux sont toujours les mêmes, et ce, depuis des années.
L’incarnation avant le discours
Ceux qui pensent que mettre un selfie bouscule les normes de LinkedIn ne font que diffuser un peu plus ce qu’est la réalité des réseaux sociaux aujourd’hui : l’incarnation avant le discours. Et nous connaissons déjà la problématique de ces “codes” principalement basés sur l’incarnation. Ils favorisent précisément les physiques admis comme normés.
Une preuve par l’exemple
Vous voulez une preuve ? Regardez le top Favikon. Cherchez le nombre de gens gros. Comptez le nombre de gens dont on pourrait dire qu’ils sont objectivement « moches » ou ont un physique disgracieux. Affirmer qu’on veut changer des normes, c’est toujours plus facile quand on est l’étendard de la normalité socialement admise.
Réflexion finale
En somme, ceux qui veulent “casser les codes” devraient d’abord arrêter de nous « casser les c*es ». La véritable innovation ne réside pas dans la simple opposition aux conventions, mais dans la capacité à créer des expressions authentiques et significatives, indépendamment des standards superficiels.