« Si vous travaillez dur, vous aurez de l’argent. » Cette affirmation omniprésente sur LinkedIn m’exaspère profondément. Cette culture de la méritocratie transpire le mépris de classe, souvent prônée par ceux qui n’ont jamais véritablement connu ce que signifie « travailler dur ».
La Réalité des Travailleurs de l’Ombre
Avez-vous déjà observé les femmes de ménage qui nettoient vos espaces de coworking ? Connaissez-vous l’apparence d’un ouvrier de 45 ans après une journée dans une fonderie ? Avez-vous déjà vu les sans-papiers livrant vos repas Uber Eats sous la pluie, risquant leur santé pour quelques euros ? Ou les mains d’un employé de blanchisserie industrielle après trente ans de service ?
Ces personnes travaillent dur. Très dur. 25% d’entre elles décéderont avant de pouvoir prendre leur retraite. Chaque année, 700 travailleurs meurent sur leur lieu de travail. Ils représentent 71% des maladies professionnelles. Ils n’ont ni avantages sociaux comme Swile, PayFit ou Alan, ni accès au télétravail. Certains n’ont même pas de contrat de travail. Heureusement, ils sont rarement présents sur LinkedIn et échappent ainsi aux injonctions de réussite et aux jugements de ceux qui leur dénient tout mérite.
Une Vie sans Besoin de Justification
Je gagne extrêmement bien ma vie, suffisamment pour ne pas m’inquiéter de comment subvenir à mes besoins. Je n’ai aucune honte à posséder ce que je possède. Mes employeurs ou clients paient pour mon expertise, mon expérience et ma rareté sur le marché. Mais il n’existe aucune corrélation entre la dureté de mon métier et mes revenus, ni entre mon temps de travail et l’augmentation de mon patrimoine. En fait, je travaille moins qu’avant, je profite de mes week-ends et j’ai cessé de finir mes journées à des heures indues.
Le Mythe du Mérite
Est-ce que je gagne beaucoup plus qu’un livreur, un employé de McDonald’s ou une caissière à Auchan ? Oui, beaucoup plus. Est-ce que je travaille plus dur qu’eux ? Absolument pas. Le mérite n’existe pas. C’est un concept inventé par ceux qui cherchent à opprimer et à démontrer leur supériorité, en déniant ce mérite à ceux qu’ils considèrent comme inférieurs.
Ce sont les mêmes personnes que nous avons fait semblant d’applaudir à nos fenêtres lorsque nous ne pouvions plus ouvrir nos portes. Le mérite est une construction sociale qui sert à justifier les inégalités et à perpétuer un système où les privilèges sont transmis et protégés. La véritable justice sociale ne viendra pas de l’illusion du mérite, mais de la reconnaissance et du respect des efforts réels de ceux qui travaillent dans l’ombre, sans jamais recevoir la juste compensation pour leur labeur.