Les Limites de la Pensée Profonde
La pensée humaine s’est forgée dans des ouvrages longs et souvent ennuyeux que peu de gens ont lus. Par exemple, « De la démocratie en Amérique » fait 300 pages, « Critique de la raison pure » 850 pages, « L’orientalisme » 600 pages, et Karl Marx est mort avant de finir les 2300 pages du « Capital ». Heureusement, des émissions plus accessibles ont tenté de vulgariser ces œuvres.
Il existe cependant des contre-exemples, comme « Du contrat social » et « L’éthique » de Spinoza qui ne dépassent pas 150 pages, ou « La dialectique éristique » qui en fait moins de 100. Néanmoins, il est constant qu’une pensée mesurée, réfléchie et approfondie ne peut se condenser en quelques lignes.
L’Incapacité à Débattre sur les Réseaux Sociaux
Un résumé ou des extraits de Rousseau ne provoqueront jamais de débats sans fin sur LinkedIn ou sur d’autres réseaux sociaux. La faute en revient à une capacité d’attention courte et à la volonté de piquer au vif le lecteur, de parler plus à son ego qu’à sa pensée profonde.
Le Problème des Débats Binaires
Nous le voyons tous les jours : les publications qui performent le plus sont celles qui engagent des débats binaires, pour ou contre, et des storytelling basés sur l’émotion, rien qui ne permette de poser une pensée complexe. Une opinion n’est pas binaire, elle doit être mesurée. Pourtant, les individus veulent entrer dans des cases claires et ceux qui se disent réfractaires se positionnent eux-mêmes dans une case.
Les Médias et la Polarisation des Opinions
Un média ultra-personnalisé a fait de ce clivage sa spécialité. Sous prétexte de « donner la parole à tout le monde », il met en face des “bons clients” qui se balancent leurs avis à la figure, puis publie les bons mots sur les réseaux sociaux pour créer de l’engagement. Mais ces avis et ces engagements ne sont pas des débats, encore moins des pensées. Le débat n’existe pas entre des opinions totalement opposées. Chacun campe sur ce qui le différencie le plus de l’autre, jouant sur l’effet de contraste.
La Nuance dans le Débat
Le débat n’existe que dans la nuance. Personne n’est purement écologiste, féministe ou de droite. Chacun a son propre imaginaire autour de ces mots. Certains se considèrent écologistes parce qu’ils trient leurs déchets, d’autres parce qu’ils luttent pour la décroissance. Certains préfèrent s’éloigner de la société pour vivre dans la nature. Qui a raison ? Aucun. Tous.
Les Conséquences de la Polarisation
La polarisation des opinions tue le débat. Ceux qui partagent le même combat ne débattent pas entre eux, préférant attaquer frontalement « l’autre camp ». Aucun écologiste ne dénonce les fintechs utilisant des crédits carbones factices, mais tout le monde tombe sur une banque ou un ministre parce que c’est un bon méchant.
Vers une Pensée Plus Nuancée
Et moi dans tout ça ? Je ne suis pas la personne la plus clivante. J’utilise aussi des accroches un peu provocantes pour attirer des likes, mais j’essaye d’affiner ma pensée avec le temps et de me nourrir des opinions des autres. J’ai cru à la méritocratie, j’ai pensé que les quotas de femmes ne servaient à rien, j’ai même pensé que le réchauffement climatique était un hoax (merci Allègre). Mais chaque jour, ici et dans mon métier, j’essaye d’apporter de la granularité aux opinions et aux idées. Je ne sais pas si les résultats sont là, mais cela me permet d’être aligné avec mes convictions.