Privatiser les Bénéfices, Nationaliser les Pertes
Depuis des décennies, une expression revient régulièrement dans les discussions économiques et syndicales : privatiser les bénéfices, nationaliser les pertes. Cette formule souligne le fait que l’État vend des entreprises au secteur privé, qui en tire de considérables profits (comme Paribas, TF1, Havas, Suez, SoGé, Renault, Total, Crédit Lyonnais, GAN, etc.), mais revient souvent à la rescousse lorsque ces entreprises sont en difficulté (PSA, EDF, Areva, STX, etc.).
Le Précédent de 2008
En 2008, le sauvetage des banques avait coûté 30 milliards d’euros à l’État français. Bien que ces coûts aient finalement été couverts par les banques, à la différence de l’Espagne, plusieurs économistes, dont Eric Dor, estiment que la crise a entraîné une perte de 1 541 milliards d’euros de PIB. Cette perte s’est traduite par une hausse du chômage, des faillites, et un ralentissement marqué de la croissance et des revenus disponibles des ménages.
Le Cas d’Air France-KLM
Face à une situation financière critique due à la dette et à l’absence de recettes pendant la crise du Covid-19, Air France-KLM a bénéficié d’une aide de 7 milliards d’euros de l’État français. Cette aide se décomposait en 4 milliards d’euros de garanties via le Prêt Garanti par l’État (PGE) et 3 milliards d’euros en obligations à un taux de 7%.
Cependant, ce prêt était indexé sur l’Euribor, ce qui, avec la hausse des taux, a poussé Air France à rembourser avec deux ans d’avance. L’État français a ainsi engrangé 650 millions d’euros de gains au passage.
Une Participation Stratégique
En 2022, sans pour autant nationaliser Air France-KLM, l’État est entré au capital de la compagnie via l’Agence des Participations de l’État. Cela s’est fait en convertissant une partie de la dette en actions, avec une décote de 40 % sur le prix d’émission, permettant d’envisager une belle plus-value future.
Cependant, ces gains potentiels sont modestes comparés aux 1,5 milliards d’euros de taxes que verse annuellement Air France-KLM à l’État, dont 1,2 milliard provient des six taxes sur les billets d’avion.
Une Situation Paradoxale
Cette situation met en lumière un conflit d’intérêts significatif. Alors que la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, l’aviation demeure l’un des moyens de transport les plus polluants. À l’instar des agriculteurs, pour lesquels la France continue de subventionner les énergies fossiles, l’État privilégie les enjeux économiques à court terme sur les considérations écologiques de long terme.
Un Choix Économique, un Avenir Écologique Incertain
Ce dilemme économique versus écologique souligne les défis auxquels la France devra faire face. L’État devra un jour aligner ses choix économiques avec ses engagements écologiques pour que la transition énergétique soit non seulement un objectif, mais une réalité durable. En attendant, les bénéfices immédiats d’investissements tels que le sauvetage d’Air France offrent une bouffée d’air frais à l’économie, même si cela complique la route vers un avenir plus vert.