Hier, je parlais de l’Eurosystème et de Target2 en disant qu’une décision avait été prise entre « vieux mecs blancs en costard ». J’ai reçu deux messages me demandant pourquoi j’avais précisé cela, sous-entendant : « Pourquoi est-ce important de l’avoir précisé ? »
La Réalité du Profil Dominant
Déjà, parce que c’est vrai (j’ai vérifié). Ensuite, parce que cela reflète une problématique profonde. Cela s’applique aussi aux banques.
- 29 des 30 plus grosses banques européennes sont dirigées par des hommes.
- La totalité sont ou ont été mariés avec des femmes, sauf deux pour lesquels l’information n’est pas publique.
- Seulement deux ne sont pas blancs.
- La moyenne d’âge est de 59,5 ans.
Seule la banque danoise DnB est dirigée par une femme, Kjerstin Braathen. Cette situation ne représente pas la diversité de l’Europe. Toutes les études sociologiques montrent que l’absence de diversité dans les directions conduit les entreprises à prendre des décisions conformes à la norme sociale admise.
Le Cas des Startups et des VCs
Cette absence de diversité se retrouve également dans le monde des startups. Lors d’une discussion avec un VC, j’ai appris que près de 65% des fonds levés étaient par des startups fondées par des personnes issues de cinq grandes écoles. Ces startups lèvent en moyenne trois fois plus d’argent.
Pour moi, c’est problématique car cela résulte du financement de l’entresoi. Une grosse partie des VCs sort des mêmes écoles ou est financée par des LPs, souvent ex-startupeurs ayant les mêmes parcours.
Un Réseau et une Perception Favorable
Le VC avec qui j’ai discuté a fourni une réponse intéressante. Il a expliqué que les diplômés de ces grandes écoles ne sont pas nécessairement plus intelligents, mais ils ont été formés pour réussir dans cet environnement. Ils possèdent un réseau plus développé. Et surtout, tout le monde s’autopersuade qu’ils sont meilleurs. Ainsi, au prochain tour de financement, il y a plus de chances que les VCs suivants pensent la même chose. C’est un peu comme l’analyse technique en bourse : c’est irrationnel, mais puisque tout le monde suit le même raisonnement, cela finit par fonctionner.
Les Disparités de Genre
Cela n’explique pas pourquoi plus de 75% des levées de fonds sont réalisées par des startups exclusivement masculines et moins de 4% par des startups exclusivement féminines. Les startups 100% féminines lèvent trois fois moins de fonds, ce qui reste problématique.
Un Exemple Éloquent : Getir
En 2022, Getir a levé 800 millions d’euros dans un marché du quick-commerce qui n’existe pas vraiment. En France, sa campagne de communication dans le métro parisien promettait « Sa confiture préférée en quelques minutes ». Quiconque travaille en dehors de Station F et WeWork aurait remarqué que cette publicité était absurde. Aucun enfant n’a besoin de confiture en quelques minutes, et aucun Parisien n’habite à plus de 10 minutes d’une supérette. Par contre, la problématique de la mobilité et de la livraison à domicile existe en province, où les supermarchés sont parfois à plusieurs dizaines de kilomètres d’un village.
Un Écosystème Élitaire
L’écosystème startup, comme celui de toutes les élites en France et ailleurs, vient des mêmes écoles, a vécu dans les mêmes capitales, et fréquente les mêmes milieux. Difficile de leur demander de comprendre la réalité vraie.
Un Problème Systémique
La prévalence d’un profil homogène parmi les startupeurs qui lèvent des fonds n’est pas forcément une hérésie, mais elle reflète un problème systémique. La diversité dans les directions est essentielle pour prendre des décisions plus inclusives et représentatives de la réalité. L’écosystème actuel, dominé par l’entresoi, limite cette diversité et conduit à des décisions déconnectées des besoins réels de la population. Pour véritablement innover et répondre aux défis actuels, une ouverture à des profils variés et une reconnaissance des compétences au-delà des grandes écoles sont indispensables.