💥Hakim Benotmane : mythopreneur, mauvais payeur et raciste.
Du faux empire au club d'investissement bancal
Bonjour,
Cette newsletter n’était pas prévue, mais il se trouve que Zero Bullshit s’est retrouvé cette semaine au milieu d’une guerre entre Anthony Bourbon et Hakim Benotmane, deux ex-entrepreneurs ayant chacun monté un club d’investissement.
Comme beaucoup, j’avais vu passer les vidéos de podcast de Benotmane, comme cet extrait où il explique posément que « les plus grands avocats fiscalistes du monde l’appellent pour lui demander conseil en fiscalité internationale ». Devant un Oussama Amar dépassé, qui sourit benoitement en répondant du bout des lèvres : « Pareil ». Le maître est passé.
Cela dit : la chasse aux mythos podcasteurs, ce n’est pas vraiment la ligne éditoriale de Zero Bullshit (mais c’est celle de Mous si le sujet vous intéresse).
Sauf qu’il s’est passé deux choses las emaine dernière.
Hakim Benotman a utilisé des articles de Zero Bullshit (sans citer la source, d’ailleurs), puis la marque et les coordonnées pour crédibiliser sa bataille, expliquant que Zero Bullshit aurait accumulé des centaines de plaintes, que Zero Bullshit aurait dit que le Blast Club était une arnaque, etc. Ce que j’ai démenti
J’ai ensuite appris qu’Hakim Benotmane se servait de ses histoires (et de cette e-bataille) pour lever des fonds auprès de particuliers, pour des montants importants, sans agrément, sans cadre légal et possiblement… sans réel investissement.
Et ça, pour le coup, c’est la ligne éditoriale de Zero Bullshit. Et donc, c’est le sujet du jour.
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🧞 The Founder’s Delusion
La première fois que j’ai entendu parler d’Hakim Benotmane, c’est en voyant des extraits des innombrables podcasts qu’il a faits récemment. Ces podcasts qui inondent les réseaux sociaux, et dont une agence éclatée a fait un business, peuvent se découper en deux catégories :
Ceux qui disent des conneries à un mur pour faire croire qu’ils sont invités dans une émission ;
Ceux qui disent des conneries face à un mec qui essaie de choper l’audience de gens plus gros que lui, et qui ne comprend rien.
Forcément, quand Benotmane est face à Oussama Amar, ça devient la fusion des Super Saiyans, et on atteint des sommets de débilité. Mais le storytelling d’Oussama reste relativement subtil :
Il leverage ses activités passées, en assumant plus ou moins (mais sans le cacher totalement) les problèmes avec The Family ;
Il raconte des paraboles fausses ou sans fondement pour faire passer un message ;
Il exagère ou invente complètement des anecdotes qui le mettent en avant, sans jamais rien dire de précis sur lui.
Avec finalement peu de divergences entre les versions, puisqu’il y a peu de détails. Si Benotmane peut lui ressembler de loin, son discours est en réalité assez différent.
Ce n’est pas son expérience passée qu’il met en avant, mais des réussites supposées ;
Ces réussites sont corroborées par quelques articles (réels), mais ne reposent sur aucun fait vérifiable ;
Les anecdotes concernent systématiquement son expérience professionnelle et visent à crédibiliser sa propre réussite.
Dans plusieurs podcasts, il utilise des mots faussement compliqués comme EBITDA ou rescrit fiscal pour montrer que lui connaît. Sauf que quiconque connaît un peu les sujets dont il parle sait qu’il raconte n’importe quoi.
Cela dit, il est vrai que l’histoire d’Hakim Benotmane a été relayée par un certain nombre de médias nationaux et reconnus, alors que les informations sont manifestement fausses, données par Benotmane et jamais vérifiées. Ce qui devrait poser une vraie question éthique à ces médias… qui sont en plus les premiers à avoir réagi à l’affaire Benotmane vs Bourbon en renvoyant les deux sur le même plan, comme si leurs plateformes et leur manière de faire se valaient.
Pour bien comprendre le récit, repartons d’un portrait publié dans Les Échos1 en juillet 2022, qui résume les grandes lignes de l’Évangile selon Saint Hakim :
2003 : Premier restaurant à Tours ;
2015 : 80 restaurants ;
2016 : début de la vente à des fonds
2016-2020 : départ en Asie pour développer le concept ;
2020 : passage dans Patron Incognito ;
2021 : candidat au rachat de Quick, au côté de Mubadala2.
Et aujourd’hui, la situation est claire, toujours selon Les Échos :
« Aujourd’hui, il n’est plus propriétaire, puisque Nabab Kebab et sa maison mère, FBH Food, sont détenus par un fonds d’investissement anglo-saxon. Ce groupe comprend plus de 200 fast-foods, dont 160 franchises, et réalise 210M€ de chiffre d’affaires. »
Dans une autre interview à la même date3, où il annonce l’ouverture du 200e Nabab, il explique clairement
« J’ai vendu mon groupe fin 2014 avant de le reprendre en 2020, à la demande des actionnaires. »
Toujours la même année, un autre article confirme cette date de 2014 pour la cession « à un fonds d’investissement britannique associé à BNP ».4.
Dans l’absolu, on s’en fout. Zero Bullshit n’a pas vocation à traquer toutes les oussameries racontées dans des podcasts, surtout quand c’est rigolo. Mentir n’est pas un délit.
Sauf que cette prétendue réussite, il l’a utilisée comme d’autres avant lui, pour convaincre des gens d’investir avec lui, sur des montants de plusieurs millions d’euros, dans un club qui sera l’objet d’un deuxième épisode.
Tous les investisseurs à qui j’ai parlé m’ont dit avoir été séduits et rassurés par son histoire.
Tous ceux qui ont remis en cause son récit ont fini insultés et harcelés par Hakim Benotmane.
Et puisque, dans ses stories Instagram, Hakim Benotmane a fait l’éloge du travail d’enquête de Zero Bullshit (en même temps qu’il a proposé de payé mes frais d’avocat, ce qu’il n’a jamais fait), alors enquêtons.
Pour savoir si Benotmane a réellement vendu son entreprise, établissons une méthodologie très simple en cherchant à répondre à trois questions :
Quoi : quels sont les actifs qui ont été vendus ?
Comment : quelles sont les conditions financières réelles et qui est l’acquéreur
Pourquoi : qu’est-ce que l’acquéreur avait en tête et qu’est-ce que Benotmane devait faire en échange ?
🪞 Effet Halo
La mémoire est une matière vivante, pas toujours fiable. Je me disais ça il y a quelques jours, en me rendant compte que cela fait exactement vingt ans que j’écris sur internet, ou que certains amis avec qui on allait voir un concert au Bataclan ne sont jamais revenus, il y a exactement dix ans.
Alors si Benotmane dit le plus souvent que l’entreprise a été cédée en 2014, on peut comprendre pourquoi le site de FBH Groupe évoque 2016 comme arrivée d’un nouvel actionnaire, et pourquoi lui-même avance parfois cette date.
Cela dit, cette précision interroge. Parce qu’en février 2016, HB Holding, où il a logé plusieurs restaurants, lève 300K€ sur la plateforme belge de crowdfunding Look&Fin.5 L’opération donne lieu à une communication officielle indiquant que :
« Hakim Benotmane […] exploite actuellement 53 établissements dont 45 en franchise. »
Le mois suivant, il annonce une levée de fonds de 5M€ pour la franchise « groupe Nabab, rebaptisé FBH Food », auprès d’123 Venture. 6 Il est alors question de « 81 établissements dont 63 en France, avec 18 en propre ». Soit 28 établissements supplémentaires ouverts en six jours. Benotmane explique alors :7
« Ce partenaire financier va nous permettre de lever beaucoup plus auprès des banques et d’accélérer non seulement avec Nabab mais aussi avec près d’une dizaine de marques que nous lançons, toutes halal. »
Problème : 123IM (nouveau nom d’123 Venture) m’a formellement démenti l’information :
« 123 Investment Managers n’a jamais accompagné ni financé Monsieur Hakim Benotmane ou les sociétés qu’il dirige. Aucune relation d’affaires n’a été initiée. »
Je crois qu’on ne peut pas faire plus clair.
Cela dit, il est question d’un départ en Asie de 2016 à 2020. On peut donc imaginer une cession en 2014, suivie d’une période de transition, et que les journalistes aient mal compris le fait qu’il dirigeait sans forcément être propriétaire. C’est possible.
A un partenaire bancaire du 2022, il raconte une autre histoire, à la troisième personne
« [En] 2013, excédé par ses combats répétés, il décide de partir faire autre chose à l’étranger. [Sa banquière du LCL] lui avait dit qu’il aurait déjà atteint le milliard s’il avait choisi une autre activité que le kebab. Le kebab et le marché du halal étaient très mal vus en 2003, contrairement à aujourd’hui où cela devient un business juteux.»
Quant à l’histoire asiatique, s’il raconte souvent avoir monté une chaîne de cafés, dont il n’a jamais été possible de retrouver le moindre établissement, il donne une autre version à ce même partenaire bancaire, parlant de l’expérience entrepreneuriale FitFit, dont on reparlera dans le 2e épisode.
« 2014 à 2018 à l’étranger et une réflexion importante sur FITFIT, l’idée était de se réorienter vers le digital où la commercialisation pouvait être mondiale. J’avais un regard lointain sur le groupe de restauration, je me rendais en France une fois par trimestre. »
Le problème c’est que cette période, c’est un peu comme le candidat face au responsable RH qui n’est pas capable de répondre sur le trou sur son CV. Parce qu’il faut ménager d’un côté la vente supposée, où il ne serait plus aux commande, et le fait qu’il est, comme on le verra, toujours resté dans le coin. Ce qu’écrit fans une note en 2022 le directeur des investissements d’un fonds de private equity, sollicité pour investir dans FBH Groupe :
« [Que s’est il passé ] entre 2017 et 2019 ? Je comprends qu’Hakim est en réalité revenu aux commandes en 2019 à 100%, année pendant laquelle il a été très occupé […]. Peut-on avoir plus de détails sur la séquence ? Je comprends que le nouveau CEO est arrivé en 2014 et nous pensions Hakim que tu avais repris les rênes en 2017. Peux-tu stp nous préciser quand exactement tu as débarqué ton CEO ? En 2018 tu me disais que tu avais une autre activité peux-tu stp nous éclairer ? »
La question restera sans réponse.
Mais qui pose alors une question : qu’est-ce qui a été vendu ?
Là encore les histoires divergent. Et divergent c’est énorme, surtout pour une seule personne.8 Ce que racontent Benotmane c’est en gros9 qu’il a vendu son groupe entre 100 et 120M€, avec une partie foncière pour les murs et une partie opérationnelle avec les fonds de commerce et les marques. Parfois à des fonds allemands, anglais, anglo-saxons ou turcs (voire plusieurs en même temps), avec la participation de BNP Capital.
Extrait du site de FBH roupe
Dans ses différentes prises de parole, Benotmane raconte qu’il y avait deux parties dans sa cession : les restaurants et les murs. En réalité, c’est un tout petit peu plus complexe que ça.
Parce que l’idée de Benotmane est aussi simple que brillante : trouver des concepts de restauration duplicables, puis les dupliquer chez lui, en franchise, tout en investissant dans les mures.
Parce que Nabab n’est pas vraiment innovant en tant que franchise. En réalité, ça reste des menus kebab comme il en existe partout. Tacos King, lui, reprendra exactement les menus d’O’Tacos, le leader d’alors. Une proximité, y compris dans la marque, qui vaudra d’ailleurs un procès à Benotmane, qu’un éphémère dirigeant négociera contre une transaction de 50K€. Somme que Benotmane ne règlera jamais à O’Tacos selon deux sources concordantes, des deux côtés du deal.
Le même type de procédure aura lieu contre l’exploitant de la marque Le Tacos de Lyon, créée en 1999, qui attaquera NDM Développement, mais arrivera trop tard, après la liquidation.10
Par la suite, la méthode sur les marques sera même standardisée :
Recruter un responsable réseau ;
Qui arrive avec les recettes et le manuel des normes ;
Débarqué après quelques mois, une fois le savoir absorbé.
Au moins deux cas sont documentés.
Mais la réalité, c’est que FBH ressemble à ces jolis PowerPoint pondus par McKinsey, puis montrés de réunion en réunion, d’équipe en équipe. C’est excellent sur le papier, mais si personne ne sait le déployer, ça ne vaut rien. D’autant que FBH va détenir… 44 concepts et marques.
Poulet P&P Chiken, Nabab, Rixos, O Tandori, Takos King, Woky Thai, P&P, Poke & Moi, Hill’s Coffee, Le Brunch de Kelly, Salade Factory, O Cheese Nan, Five Burger, Biggy Burger, My Bagel, Pizza Tchika, Bakim’s Café, Food Court Hybride, Fish’ to Chip’s, Labanese, London Brunch, Soupe du Monde, Rice Box, Burricos, O Pepito, Sushiburri, 12 Eat, Crêpes & Shake, New York Factory, Asian Street Food, Choua, Helthy Juice, 66 Diner, Chef et Frais, Panino & Co, Tenders Party, Frypancakes, Le Sandwich Français, Le Pain et la Farine, Pat& Pizz, African Food, Bubble Dubble, Couscous Bowl, Bachta
Tout y passe.
En réalité, en dehors de quelques Nabab et quelques Tacos King, rien ne sortira jamais de terre. La seule marque existante, c’est visiblement Bakim’s Café, un café rue de Bordeaux à Tours, dont est originaire Benotmane, logé dans la société BAB111 présidée par une mystérieuse société luxembourgeoise du nom de Ketary Food.12
Mais forcément, ce type de business ne fonctionne qu’en franchise. Cela nécessite donc d’avoir quelques restaurants pour établir la marque (et s’assurer que ça fonctionne), puis d’aller la vendre à des franchisés qu’il faut accompagner.
Ce qui n’a donc aucun sens sur 44 marques quand on a à peine quelques restaurants.
Mais le montage, lui, est assez simple, même s’il semble surdimensionné et complexifié sans raison :
Chaque restaurant franchisé est détenu via une société qui appartient au franchisé ;
Les restaurants de Benotman sont eux tantôt détenus par des sociétés mères en France, comme Takos King Franchise13, elle même détenue par TKPF14, détenue par FBH Holding15, détenue par NDM Developpement16, holding luxembourgeoise
Et pareil via une autre branche NDK pour Nabab ;
Les marques sont logées dans NDM, pour recevoir des royalties ;
Le développement en Belgique passe par T.K.B. BVBA17 ;
Les quelques murs sont dans quelques SCI18
Dont deux sont détenues par Hakim (à 99%) et Farah, sa soeur ;
Une par Lovel Invest (95%), une holding luxembourgeoise qui appartient à Benotmane) et Guira Wided (5%) ;
Une autre détenue par Lovel Invest (95%) et 5% pas Mostefa, le père d’Hakim.
Pour faire simple, on a donc deux entités au Luxembourg, logées à l’adresse de résidence fiscale personnelle de Benotmane :
NDM Développement pour les opérations (où est logé FBH Groupe), appartenant à 100% à Benotmane ;
Lovel Invest pour les murs, qui remonte au fisc comme appartenant à 30 % à Khadaja Bellahcene et 30 % à Abdelmajid Bellahcene.
L’histoire de Lovel Invest est d’ailleurs très étonnante. Parce que la société a en réalité été créée en 2009 par un gérant de fortune, pour un Ukrainien qui fait depuis des affaires en Slovaquie.
La boîte est rapidement revendue à un family office via un fiscaliste suisse installé au Luxembourg, avant d’être reprise par le couple Bellahcene en 2012, mais déjà logée à l’adresse personnelle de Benotmane.
Alors, qu’est-ce qu’Hakim Benotmane vend exactement ? Difficile à dire, puisqu’il affirme tantôt avoir vendu les murs d’un côté et les fonds de l’autre, tantôt le tout ensemble. Alors qu’aux Échos, il dit clairement que c’est FBH.
Toujours est-il que la réalité est simple : entre 2014 et 2022, période pendant laquelle ces entreprises ont plus ou moins d’activité :
La structure actionnariale ne change pas ;
Hakim Benotmane reste enregistré en tant que bénéficiaire effectif de toutes ces sociétés… ;
…Qui restent aux mêmes adresses.
Si Abdelkader Guetarni prend temporairement la place de Benotmane en tant que gérant, c’est pour une raison très précise. Mais Benotmane reste propriétaire de toutes les sociétés, qui ne changent jamais de main. Ce que confirment d’ailleurs les nombreux documents à venir.
Pourtant, dans une récente vidéo19 où il prétendait répondre aux « haters », Benotmane présente un document censé prouver la cession, qu’on analysera plus bas, et qui, lui non plus, ne donne pas le nom de l’entité prétendument cédée. Comme si c’était un secret d’État.
Le 1er novembre, Benotmane a tenté une pseudo-diversion en publiant une société censée être un indice bla-bla-bla. Je ne vais pas y répondre pour montrer que c’est faux, mais plutôt pour montrer ses (très mauvais) mécanismes rhétoriques.
En réalité il n’y a aucun mystère :
C’est la première société20, qui exploitait son premier kebab à Tours ;
Société qui a été renommée S.I.D., puis Dura et Compa ;
Dont il a confié la gérance à Abdelkader Gueterni en 2013, ce qui, on le verra plus tard, est rarement un green flag.
Si son activité a effectivement été changée en holding par la suite, elle a été liquidée comme tout le reste en 2017. Et non, elle n’a jamais été vendue. J’en veux pour preuve qu’en décembre 2014, Dura et Compa attaque le repreneur de Tours pour un soi-disant manquement au contrat de location-gérance, et finit condamnée aux dépens.21
Ni le gérant ni les bénéficiaires effectifs n’ont évidemment changé.
Cette triple diversions est le schéma classique de Benotmane depuis qu’il est pris face à ses mensonges
Le red herring : onsiste à balancer un truc en pâture pour brouiller la compréhension, et surtout faire perdre du temps à ceux qui expliquent. Debunker prend toujours plus de temps qu’affirmer.
La fausse symétrie : consiste à faire croire qu’il pourrait y avoir deux versions d’un même fait, voire un juste milieu entre les deux. Or non : affirmer un truc faux ne rend pas la vérité moins vraie.
Le gaslighting : consiste à manipuler les faits, souvent en les rendant inutilement complexes, pour pousser ceux qui le lisent et le croi(v)ent à douter d’eux mêmes.
En bref :
- Impossible de confirmer exactement ce qui aurait été vendu
- La structuration des entreprises n'a jamais changé depuis la date affirmée de la vente
- FBH Groupe n'a jamais été vendu
- SARL Nabab n’a jamais été vendu
- Aucune des holdings luxembourgeois n'a jamais été vendue🎭 Le fantôme de l’OPA
Si Benotmane refuse de dire clairement ce qu’il a vendu, il refuse aussi de dire clairement qui a racheté. Et c’est parfaitement étonnant. Parce que des entrepreneurs qui font des exits, il y en a souvent. Des exits supérieurs à 50M€, c’est rare. Supérieurs à 100M€, ça passe rarement inaperçu. Mais dans la quasi-totalité des cas, on sait qui est derrière.
À l’inverse, la communication porte toujours sur le repreneur, même s’il n’est pas très connu. Même si c’est un fonds que seuls les pros connaissent. À vrai dire, je n’ai jamais entendu parler d’une transaction à huit chiffres où le repreneur serait (et resterait) secret.
Reste qu’à plusieurs reprises, il est question de BNP Capital, qui serait soit devenu actionnaire, soit aurait servi d’intermédiaire.
Extrait d’un article du Parisien
Le problème, c’est que BNP Capital, ça n’existe pas. Et ça n’a jamais existé. Mieux : sur la dizaine de personnes à qui j’ai pu parler chez BNP Asset Management ou BNP Développement, personne n’a jamais entendu parler de ce deal. Pas plus que chez les quelques banques d’affaires qui auraient pu s’occuper du dossier. Mais bon, personne n’est omniscient.
Pour prouver la vente, Benotmane met donc en avant ce document, depuis supprimé, qu’il dit authentifié par un huissier.
Document publié par Benotman, désormais supprimé
Contacté au téléphone, l’huissier m’a répondu textuellement en quelques secondes, avant de raccrocher :
« Je n’ai aucun commentaire à faire, je vous souhaite une bonne journée, au revoir. »
Passablement énervée. Probablement déjà au courant. Et ne niant en tout cas pas le fait qu’elle a bien authentifié quelque chose.
Ici, il est donc question de :
57 murs de restaurants ;
51 restaurants, dont 8 avec associés à 30 % ;
72 franchisés ;
25 restaurants qu’il garderait.
Quant aux conditions financières :
La valorisation de l’entreprise serait de 117M€ ;
Le paiement, c’est-à-dire ce qu’il perçoit, serait de 52M€ ;
Avec un possible earn-out de 8M€, sous des conditions qu’on ne connaît pas.
Ce qui, en soi, est déjà 50% de moins que ce qu’il a toujours dit, puisque sans ces conditions il n’aurait touché que 52M€. Et donc pas fait un exit à plus de 100M€, comme il le répète partout.
Mais admettons.
Le document, par contre, paraît relativement léger. Le fait que, pour une transaction de ce type, il n’y ait que six définitions est étrange. Mais ça l’est d’autant plus que ni le cédant ni l’acquéreur ne sont mentionnés, même caviardés, et c’est encore plus curieux que le contrat parle de « la Société » sans jamais définir qui elle est, l’introduction évoquant uniquement une « société holding de tête » dont le nom est caviardé, sans qu’il ne soit jamais dit que c’était elle qui était cédée.
Autre bizarrerie : il est fait mention d’un OBO, qui aurait donc été réalisé avant, pour 48M€. Ce qui ne semble pas cohérent avec un groupe qui paraît avoir été structuré très tôt en cascade, alors qu’un OBO suggérerait une restructuration récente.
Et donc, Hakim explique que l’huissier certifie tout ça.
Sauf que l’huissier ne dit pas ça. Il dit :
avoir vu un contrat d’OBO daté du 1er janvier 2013, tout en précisant ne pas voir le nom de la structure ;
un contrat de cession dont les parties sont masquées, en date du 12 février 2014.
D’autant que la question même la valorisation pose question.
Alors personne ne peut donc savoir… à part l’État.
Parce que comme disait je sais plus qui : y’a deux trucs certains, la mort et les impôts.
Et je peux affirmer sans aucun début de doute :
Hakim Benotmane n’a jamais fait d’OBO en 2013 ;
Hakim Benotmane n’a jamais vendu sa boîte en 2014, ni après.
Dans la continuité de ce récit, il raconte également avoir figuré parmi les plus grandes fortunes de France et affirme avoir été 500e fortune de France à 29 ans, dans sa bannière LinkedIn, soit autour de 2014.
J’ai posé la question à Éric Treguier, éditeur de La Minute Riches sur cette même plateforme, mais aussi créateur du classement 400 Fortunes pour Le Nouvel Économiste en 1994, et surtout rédacteur en chef adjoint de Challenges de 1996 à 2023, créateur et responsable du fameux classement des 500 fortunes de France du magazine. Difficile d’avoir un meilleur expert sur le sujet.
« Pour être 499e, il ne faut pas 100M€ de valo mais plus de 200M€... Il n’y a jamais été, évidemment ! Et s’il n’y est pas, c’est que je n’ai jamais trouvé les comptes officiels ou quoi que ce soit lui appartenant, ni la moindre preuve d’une quelconque transaction des montants qu’il indiquait. »
Cette année, dans un podcast avec Oussama Amar, c’est dire si c’était sérieux, Benotmane racontait avoir fait on ne sait quelle optimisation fiscale vers la Suisse, sans expliquer pourquoi il aurait fait ça alors que ses deux holdings sont au Luxembourg.
🎩 Magic Holding
La réalité est beaucoup plus simple que ce que Benotmane veut bien raconter : il a juste planqué ses actifs au Luxembourg. Parce que la structure décrite juste avant date de 2014, quand Benotmane crée NDM Développement. Et cette structure montre sans équivoque qu’elle n’a jamais changé de main.
S’il nomme temporairement Issam Benali comme administrateur en 2016, il reste bénéficiaire effectif de NDM jusqu’à ce jour.
NDM détient donc FBH Holding à 100 % à sa création en 2016, comme lors de ses derniers actes en 2019.
Mais elle détient aussi HB Holding, créée par Benotmane en 2011 et détenue par NDM jusqu’à ses derniers actes.
Qui elle-même détenait donc les 2 franchises, dont ici TKPF etc.
Très clairement, il n’y a jamais eu ni cession ni sortie de Benotmane, d’aucune sorte.
2014 correspond simplement à la date à laquelle il a logé ses avoirs dans une holding au Luxembourg pour des raisons fiscales, tout en continuant à développer sa marque.
Comme en juin 2014, quand HB Holding reprend le fonds de commerce de la société Les Voiles pour un restaurant dans les Bouches-du-Rhône. La reprise inclut une dette de 710K€ auprès de BNP (Capital ? 🥹). Benotmane crée une société pour loger le fonds de commerce, sous HB, qui reprend les 446K€ restants à payer, que BNP matérialise par un tableau d’amortissement en octobre 2014.
Et c’est probablement de là que vient l’histoire de BNP, qui effectivement, finance plusieurs des restaurants de la chaîne.
En 2014, par exemple, BNP a accordé une ligne de 82K€, garantie par HB, pour un restaurant à Romans-sur-Isère, exploité par la société Burger Romans. À peine un an plus tard, la société arrête de payer et la banque découvre une structure en faillite. Sauf qu’elle découvre aussi qu’une autre société, NBA Drive, a repris le fonds, sans trop le dire à la banque.
Même chose à Vigneux-sur-Seine en 2015, où BNP accorde trois prêts à un franchisé qui plantera le restaurant en mai 2017.22
C’est également BNP qui est le prêteur pour un autre restaurant dans les Bouches-du-Rhône. En février 2017, un incendie criminel détruit entièrement le Nabab. BNP prononce l’exigibilité immédiate du prêt puisqu’il n’y a plus de fonds de commerce pour garantir le crédit. SADA, l’assureur, indemnise à hauteur d’1M€, mais la société qui détient le fonds de commerce part rapidement en redressement judiciaire, ce qui suspend les dettes. Et au moment de soulever tout ça, on se rend compte que la substitution n’avait jamais été formalisée, et que HB s’est tout simplement protégée. BNP arrivera in extremis à faire saisir la dette sur le montant de l’indemnisation.23
Parce que la réalité derrière les mensonges à 100M€, c’est que toute la pyramide de sociétés s’est effondrée entre 2015 et 2018, à la période où Benotmane était censé être « en Asie ». Alors qu’une dizaine de témoignages de proches et de franchisés le situent très régulièrement autour des restaurants.
Parce que, soyons honnêtes : qui aurait collé 100M€ sur la table pour laisser mourir son investissement aussi rapidement ?
🧠 Mémoire de forme
D’autant que, si on est rationnel quelques instants : qui a récemment vu une des 44 marques du groupe FBH, dont l’adresse email est encore utilisée sur LinkedIn par… Benotmane lui-même ?
Et qu’ont fait les fameux fonds pendant dix ans ?
J’veux dire, quand un fonds reprend une boîte pour 100M€+, il a forcément une idée derrière la tête. Le plus évident, c’est de se gaver avec la machine à cash, ou de la développer pour valider et revendre. Mais ça peut aussi être de récupérer des actifs, comme des marques ou des emplacements.
Le problème, c’est que l’empire de Benotmane ressemble à l’empire napoléonien. En 2025, il n’en reste rien. Ou si peu.
L’un des historiques, boulevard Montmartre à Paris, a fermé suite à la mort du gérant il y a quelque temps. Tous les Tacos King également, et le compte Instagram n’a plus de publication depuis 2022.
Reste le Nabab Kebab de Montpellier, rue Maquelone, qui existe toujours. Depuis 2024, il est géré par trois trentenaires afghans qui avaient déjà ouvert un autre restaurant dans la ville l’année précédente sous la marque Pokebab. Selon mes informations, ils ont gardé l’enseigne mais ne payent pas la moindre royalties à qui que ce soit. D’ailleurs, l’ex-franchisée du kebab, qui réclame plus de 180K€ à Benotmane, aurait été harcelée et menacée à plusieurs reprises. Tout comme sa mère.24 En réalité, elle avait prêté de l’argent à Benotmane pour ouvrir le Tacos King de Metz, et face aux difficultés de remboursement, il lui aurait donné la gérance de Montpellier. Celle-ci aurait fini de manière très conflictuelle, avec des arguments de part et d’autre difficiles à démêler.
Un autre gérant d’un Nabab actuellement ouvert m’a confirmé sans ambiguïté avoir repris le restaurant récemment, sans avoir vu la moindre trace d’une quelconque royalties. Étrange.
Pourtant, les différentes marques associés à Nabab25 expirent entre 2026 et 2031. Pourquoi donc laisser des gens utiliser gratuitement des marques que tu aurais achetées aussi cher ?
Eh bien la raison et la réponse à tout ça sont dans le dépôt des marques.
Toutes les marques sont enregistrées à une adresse avenue de la Gare, à Luxembourg, que Benotmane donne au fisc français pour se déclarer résident fiscal luxembourgeois, où il aurait réellement habité.
Deux marques sont effectivement enregistrées en 2006 et en 2011, par NDM, en charge des opérations et servant probablement aussi d’IP box (voire la newsletter sur Laurent Villa pour comprendre).
Mais en 2016, soit deux ans après la vente prétendue, NDM Développement dépose une nouvelle marque Nabab. L’entreprise est toujours avenue de la Gare, mais cette fois à quelques numéros plus loin, logée chez Luxembourg Finance House, société qui a aidé plusieurs entreprises qu’on retrouve dans les Paradise Papers. Mais bon, le racheteur a dû faire au plus simple.
Sauf qu’en 2021, Benotmane dépose cette fois la marque en nom propre. Sept ans après avoir « revendu » son groupe.
Dépôt de la marque en 2021
Encore plus étonnant, parmi les nombreux concepts de FBH, on en retrouve un qui n’a jamais été lancé : Woky Thai.
Site du Groupe FBH
Le même jour, il dépose également à titre personnel la marque Big Eat.26
Extrait du BOPI
Pourquoi donc laisser des franchisés utiliser ces marques gratuitement ? Eh bien, parce que depuis bientôt dix ans, la franchise est morte.
🎢 Tout s’effondre, rien ne bouge
En juin 2016, NKD Franchise27 est l’une des premières entreprises de la pyramide Benotmane à être liquidée, dix-huit mois après la cessation de paiement établie par le tribunal. Elle entraine dans sa chute la liquidation de TK Innovent, qui amènera le tribunal de commerce à prononcer une première interdiction de gestion de sept ans contre Abdelkader Guetarni, le 14 juin 202228. Vraiment pas de bol pour celui qui n’était gérant que depuis le 1er juillet 2015, soit un an après le prétendu rachat. Une gérance qui lui avait été confiée par les trois associés, dont Benotmane, et son grand-père Hamou.
La conséquence, c’est un courrier du 3 avril 2017 des mandataires judiciaires en charge de la liquidation : les douze restaurants encore sous franchise n’ont légalement plus rien à payer.
En off, deux franchisés m’expliquent qu’ils ne payaient en réalité déjà plus depuis plus d’un an. L’un d’eux, arrivé dans le réseau en 2016, raconte qu’il a voulu sortir de la franchise au bout de seulement sept mois.
« Nous n’avions pas d’animateur réseau, il n’y avait aucune communication, y compris sur les réseaux sociaux, et on a compris qu’on n’avait pas besoin de lui. »
La réaction a été immédiate. Benotmane assigne le franchisé, réclame 900K€, puis dépose plainte au Luxembourg via GMB Invest. Quelques mois après le courrier du liquidateur de NKD Franchise, Benotmane est condamné aux dépens en première instance, puis à nouveau en appel à l’été 2024.
Arrêt de la Cour d’appel de Luxembourg29
Un tableau interne au groupe (non daté précisément, mais situé autour de 2016-2017) recense les 61 établissements ouverts, anciennement ouverts ou en cours d’ouverture dans le groupe. Il y est mentionné que la majorité des restaurants ne souhaitent plus payer leurs redevances.
Aucune de ces 61 adresses n’accueille aujourd’hui un restaurant Nabab ou Tacos King.
Pourtant, dans le même temps, Benotmane tente autant qu’il le peut de faire entrer de nouveaux franchisés, alors même que plusieurs entreprises sont déjà en liquidation, comme le montre ce document de janvier 2018, traitant les demandes entrantes. Une fuite en avant.
Mais la franchise ne décolle jamais, malgré toutes les tentatives. Y compris les plus tordues. Comme le 20 décembre 2019, sur C8.
En ce jeudi soir, Cyril Hanouna anime Baba Noël et offre des cadeaux de plusieurs centaines de milliers d’euros. Jusqu’à ce que débarque Kamel, qui explique vouloir ouvrir un resto.
« J’aimerais devenir franchis […] Mais j’ai pas eu de réponse, j’avais pas beaucoup de moyens, j’avais que 6000€ de côté, et il faut beaucoup plus d’argent... »
Et le gentil Baba Noël de répondre :
« Ça coûte énormément d’argent une franchise de kebab, je me suis renseigné, c’est environ 500K€. »
Puis… de lui offrir en direct le restaurant, qui porte la marque Nabab.
En réalité, il s’agit tout bonnement d’une publicité qui, comme c’est très souvent arrivé dans les émissions de Cyril Hanouna, n’est pas déclarée. L’information est d’ailleurs reprises sur tous les sites de débiles médias, qui prennent bien soin de mentionner la marque, qui est d’ailleurs ouvertement remerciée sur Twitter30, là encore sans mention publicitaire.
Une opération d’autant plus publicitaire qu’elle est fake. Le soi-disant Kamel, « membre du public », s’appelle en réalité Kamel Lainseur. Sur son profil LinkedIn31, supprimé pendant cette enquête, figurait une expérience de directeur des opérations dans le groupe de Benotmane, au moment du prétendu cadeau.
🧾 Cash is Dead
Etonnamment, quand toutes ces opérations arrivent, Benotmane était censé être parti de sa société à l’époque. Le gérant de la franchise, comme de la plupart des sociétés du groupe, était Guetarni. Un poste qui semble toujours arriver à point nommé pour Benotmane , sauf à considérer que Guetarni est un gros possard.
FBH Holding, en liquidation le 13 mars 2019, avec une cessation de paiement retenue au 13 septembre 2017, dont il est devenu président à la place de Mostafa Benotmane le 1er novembre 2018 ;
HB Holding, en liquidation le 14 avril 2021, avec une cessation de paiement retenue au 5 avril 2017, dont il est devenu président à la place de Mostafa Benotmane le 11 octobre 2017.
Ce qui amènent plusieurs conclusions.
- Toutes les entreprises se sont effondrées entre 2016 et 2017 ;
- Guetarni est systématiquement nommé gérant quand la situation comptable devient néfaste.Et la chute va arriver parce qu’un fournisseur va attaquer les entreprises de Benotmane. Dès juillet 2017, S’IN DESIGN obtient une première condamnation contre FBH pour 57K€32.
Pourtant, il avait reconnu sa dette lors de plusieurs échanges, notamment dans un SMS du 9 février 2017 promettant « un paiement demain », un email du 12 février annonçant un virement, et surtout un email du 19 février où il ne conteste pas la dette.33.
Smart Retail, de son côté, qui a vendu plusieurs emplacements de restaurants, obtient en avril 2018 la condamnation solidaire de trois sociétés du groupe (FBH, NKD France et Groupe H.B Holding) pour 20K€ de factures impayées liées à la recherche de locaux commerciaux pour leurs franchises.34. Là aussi, Benotmane avait reconnu la dette par écrit le 4 mai 2017, sans jamais payer.
C’est précisément cette accumulation de dettes et l’assignation de S’IN DESIGN qui aboutissent à la liquidation de FBH le 13 mars 2019, avec une date de cessation de paiement fixée rétroactivement au 13 septembre 2017.35
Mais les avocats de Benotmane vont tenter un mouv’ très étonnant : changer de nom. FBH va essayer de se renommer KDH et provoquer plusieurs incidents de procédure pour demander des nullités36. Sans succès.
Le tout lié à une gestion opérationnelle catastrophe. Comme le fameux restaurant de Metz où un bail est signé pour un local où jamais un euro de loyer ne sera versé. Et que les travaux ne commenceront jamais, ce que constatera un huissier en février 2022.
Etats des créances après 12 mois
Sur toute la période, le seul crédit qui sera apporté aux relevés de loyer, c’est la gratuité de 7K€ accordée à la signature.
Plus étonnant, le bail est signé au nom de la « société en formation Woky Moky » en octobre 2020. Société qui n’a en réalité jamais été créée.
Fin 2021, Benotmane tentera d’ailleurs de faire céder le bail à une autre société, tout en indiquant qu’il aura les fonds début 2022. Il obtiendra le délai, mais ne paiera jamais.
Alors même qu’il avait déjà pris un engagement sur 20K€ qu’il n’a jamais réglé.
Même histoire à Nice, où c’est la SCPI Patrimmo Commerce de nos amis de Primonial qui expulse un Tacos King après plus de 205K€ de charges et loyers impayés, et après avoir obtenu l’autorisation de saisir 140K€.
Les comptes chez Treezor et Delubac sont saisis, mais il reste à peine 10K€ dessus. D’autant qu’en réalité, TKPF, comme toutes les sociétés de Benotmane, doit des dizaines de milliers d’euros à l’État ou en cotisations sociales.
Créances de TKPF
Créances de Nabastille
Parce que si c’est la procédure d’un fournisseur qui fait tout tomber, les différentes entités croulent sous les impayés de loyers37, de dettes fiscales38, de fournisseurs divers et variés39, de nuisances40 ou de franchisés41.
Lorsque la situation devient hors de contrôle, un avocat est mandaté pour faire un audit et découvre plus d’une cinquantaine de contentieux, avec des bailleurs, des franchisés, des associés, des fournisseurs… et même des avocats.
Notes pour l’avocat qui va être chargé de m’assigner (les autres passez à la suite) :
- Demande à être payé à l'avance, ça t'évitera les problèmes qu'on connu deux de tes confrères ;
- Envoie directement les courriers chez Yoël Abitbol et Yaron Edery, qu'on perde pas de temps ;
- Si c'est pour demander un renvoi à l'audience, fais pas de référé.
Bisous. Reste que que visiblement, Benotmane n’avait pas envie que ça se sache puisqu’il a passé un long moment à faire anonymiser les pages de ses entreprises via un avocat, bien que Pappers a décidé de faire machine arrière il y a quelques jours.
Extrait d’une page Google
Parce qu’il ne faut surtout pas le dire, parce que ça l’énerve, mais suite à la faillites de HB, Hakim Benotmane et Abdelkader Guetarni ont une peine de faillite personnelle prononcée, pour 7 ans. Et puisque Benotmane joue avec les mots dans plusieurs podcasts, cela veut dire :
Interdit de gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement une entreprise, société, association, etc. ;
Inscrit au fichier des interdits de gérer (consultable par les tribunaux et administrations) ;
Exposé à une extension de la procédure collective à son patrimoine personnel, si les dettes de la société sont jugées avoir été causées par ses fautes.
Pour la faillite de FBH, Guetarni écopé de 3 ans d’interdiction de gérer, et Benotmane de 10 ans42. Puis encore 7 ans chacun pour la faillite de Distribab.
Ce que reproche le tribunal au duo, c’est que la cessation de paiement de FBH, c’est-à-dire son incapacité à payer ses dettes, est datée du 13 septembre 2017, alors qu’elle n’a été déclarée que le 13 mars 2019. Légalement, un gérant doit le signaler sous 45 jours, sinon il reste personnellement responsable des dettes qui s’ajoutent après cette période.
Le tribunal retient que Benotmane, bénéficiaire effectif, a vendu les parts de la société à sa société mère pour 140K€, en compte d’associé (ce qui écarte une énième fois l’hypothèse d’un rachat externe), et qu’il est donc resté pleinement responsable de la gestion.
Le problème, c’est que quand le dossier arrive en 2019, il y a 466K€ de dettes, soit 338K€ de plus que lors de la cessation de paiement en 2017. D’autant plus gênant que, toujours selon le tribunal, le dernier chiffre d’affaires connu de FBH est de moins de 80K€. Voilà pourquoi ils sont tenus responsables.
Mais pire encore : alors que la boîte est en faillite, trois nouvelles sociétés sont créées pour exploiter les fonds de commerce en laissant mourir les autres, ce qui constitue un détournement d’actif, entre autres magouilles.
Et si, officiellement, Guetarni était le gérant de droit, Benotmane a été reconnu gérant de fait, le juge ayant évidemment compris la petite combine.
Mais Guetarni va aussi prendre :
10 ans pour Norbab Texas, et Reda Hadj Larbi 12 ans.
10 ans pour Les Ch’tis De Bethune
7 ans pour Nabastille43
7 ans pour TK Innocent
7 ans pour Kitchen Design
A chaque fois, le tribunal tentera de démontrer que Benotmane était dirigeant de fait, mais dans les 5 derniers jugements, seul Guetarni a été condamné.
Condamné pour des faits qu’il n’a jamais compris, posé là comme un simple homme de paille.
Parce que la réalité est cruelle. Guetarni est juste un cousin sympa à qui Benotmane a proposé 200€ par mois pour être gérant de ses boîtes, un jour de 2009, contre une signature et sa pièce d’identité. Quelques mois plus tard, Guetarni doit partir en Algérie pour enterrer son père. À son retour, Benotmane lui explique qu’il n’est plus gérant, mais qu’il continuera quand même à percevoir son salaire.
En 2015, Benotmane l’envoie au restaurant de Rambuteau à Paris, et il affirme qu’Hakim lui propose la gérance en 2017, ce que confirme un procès-verbal de la même année. Il restera gérant jusqu’en 2021, peu avant la liquidation. Au total, il dirigera dix-huit sociétés. Toutes liquidées.
Suite aux condamnations en 2023, Guetarni finira par porter plainte contre son cousin pour faux et usage de faux, avec l’aide d’une association de victimes.
Quelques jours avant cette plainte, Benotmane et Issam Benali, qui apparaît sur plusieurs sociétés dont celles au Luxembourg, ont également été condamnés en Belgique à dix ans d’interdiction de gérer une société44, alors même que Benotmane l’avait fait nommer en 2017 pour ne plus apparaître.
Benotmane fait appel pour la procédure FBH45, la Cour n’a pas failli46 :
Elle confirme le détournement d’actif, puisque les fonds de commerce ont été repris sans aucune formalité, mais informe une autre partie ;
Elle confirme la solidarité de Guetarni et Benotmane ;
Elle confirme que la cessation de paiement était connue.
En conséquence, elle confirme globalement le jugement, tout en admettant que la peine n’est plus proportionnée, et la réduit à six ans.
Hakim Benotmane est donc définitivement condamné à 6 d’interdiction de gestion.
Quant à la structure luxembourgeoise NDM Developpement, est finira liquidée péniblement en 202447.
🕴️ M&A, mon amour
Les raisons de la chute sont multiples, et très éloignées de ce que Benotmane s’est évertué à raconter à l’époque, et qu’il continue à édulcorer. Il a simplement été, pendant quelques années, à la tête d’une petite PME dans les années 2010, qu’il n’a pas su gérer.
En 2021, Benotmane recrute un CEO passé par une chaîne de sushi dans l’espoir de relancer la marque : il reste alors moins d’une dizaine de restaurants. À lui, il ne parlera jamais de sa vente, qu’il racontait pourtant déjà dans plusieurs médias à l’époque, mais expliquera plutôt que ceux qu’il avait placés à la tête de l’entreprise quand il était à l’étranger ont fait n’importe quoi. Et qu’il faut tout reprendre de zéro.
Pendant plusieurs mois, le CEO va tenter de défendre la cessation de paiement, qu’il n’a toujours pas déclarée, alors que plusieurs fournisseurs tentent de la forcer au tribunal de commerce. Selon les sources et les périodes, les kebabs faisaient alors autour de 200 à 250K€ de chiffre d’affaires par mois, soit 2 à 3M€ par an (loin des 130M€ dont il s’est souvent vanté). Le problème, c’est que le besoin en fonds de roulement explose : à cause des retards, les fournisseurs ne veulent plus de paiements à 45 jours. Il faut donc payer au cul du camion. Voire d’avance.
Sauf que Benotmane a un énorme train de vie, entre voyages et voitures de luxe. Et ce sont les restaurants qui payent. Deux témoins, non liés entre eux et non concernés par la procédure, font état de retraits de liquide dans les caisses par Hakim ou sa famille. Ce que confirme un ex-cadre du groupe, qui évoque le problème lors des rapprochements de caisse.
Mais Benotmane imagine un autre axe de croissance : le M&A.
🕶️ The Big Bluff
En 2015, la poussiéreuse enseigne Quick entre en négociation avec Burger King, qui veut l’implanter en France. Le dossier est finalement repris par Bertrand lorsqu’il prend le développement de BK en France, qui accepte de reprendre la plus grosse partie des 600M€ de dette avec une stratégie assez simple :
Récupérer les meilleurs emplacements pour BK ;
Convertir le reste des Quick en halal.
Et, même si c’est pas dit initialement, se débarrasser du reste rapidement après. C’est donc sans surprise que Quick est remis en vente en 2020 par Lazard, et que HIG Capital pose 240M€ pour les 107 baraques à frites à l’été 2021. Et c’est là qu’aurait aimé se positionner Hakim.
Mais avant de passer à la suite, prenons juste un instant pour parler du chiffre. 240M€ de valo, c’est deux fois la valorisation prétendue par Benotmane pour Nabab. Le tout pour environ 160 restaurants dont le chiffre d’affaires moyen est de 2M€, soit à la louche 300-350M€ de CA pour les restaurants. Selon une source fiable, il tournait autour de 330M€ en 2022, ce qui semble cohérent.
Selon plusieurs études de marché, un kebab fait entre 130 et 300K€ de CA. Une fourchette cohérente avec ce P&L du Nabab de Tours.
Donc pour faire 125M€48 ou 210M€ de CA49 ça voudrait dire avoir entre 600 et 1100 restaurants à 200K€ de CA. Même en prenant le chiffre des Échos à plus de 200 établissements, et en imaginant qu’ils sont tous au-delà de l’objectif, à 500K€, ça ne fait que 110M€. Sachant que les témoignages de franchisés parlent plutôt de 150 à 250K€ et qu’il n’a jamais été trouvé plus de 40 à 50 restaurants en même temps, on est probablement plutôt entre 6 et 13M€ de CA, ce qui est déjà cool, mais en cumulant tous les restaurants. Alors que la franchise, elle, prend moins de 10 % de tout ça en royalties.
Ça voudrait quand même dire que Quick vaudrait deux fois Benotmane, avec un CA qui, dans le meilleur des cas d’une année qui n’est en réalité jamais arrivée, serait trois à quatre fois inférieur, avec des emplacements moins intéressants et une marque moins reconnue.
Énième preuve évidente que la vente n’a jamais eu lieu.
Benotmane, lui, avait un plan tout pensé pour Quick :
« Mon but, c’était d’en faire la marque de burger halal numéro 1 au monde. »50
Mais évidemment, il est loin d’être un outsider dans une bataille de géants. Ou de Giant, comme le burger, et comme le nom interne du process chez Lazard. Et c’est d’ailleurs grâce à Lazard, qui l’avait initialement représenté, qu’il arrive sur le deal. Mais Rothschild, à qui Bertrand avait confié le mandat, le refile à Lazard, et Benotmane se fait représenter par Société Générale.
Les premiers échanges se passent bien et Benotmane passe dans la deuxième phase de négociations. Mais là, ça se corse : parce qu’il faut poser du vrai argent.
À plusieurs reprises, Benotmane a affirmé avoir collaboré avec BlackRock pour cette acquisition.51
« On a été voir plein de fonds hyper connus, même BlackRock. Moi, j’ai même des lettres d’intention de BlackRock encore aujourd’hui que j’ai gardées. »
Ce document, daté de juin 2021, il l’a finalement diffusé il y a quelques jours.
Sauf qu’à aucun moment il ne s’agit d’une lettre d’engagement, où BlackRock dirait qu’ils se positionnent sur un dossier et un montant, mais d’un NDA, c’est-à-dire un document de confidentialité où il s’engage juste à ne pas divulguer d’informations. Dont… le NDA lui-même.
Dans ce même podcast, il dit avoir « approché » Mubadala, le fonds souverain d’Abou Dhabi. Alors que dans le portrait des Échos cité au début, il était question d’avoir Mubadala à ses côtés sur l’offre.
Interrogé, un dirigeant historique de Mubadala à Abou Dhabi est formel :
« Mubadala est actif en France depuis une dizaine d’années, mais la restauration n’a jamais fait partie de notre thèse d’investissement. […] Nous n’avons jamais été associés au dossier Quick et encore moins à Hakim Benotmane. »
Mais Benotmane explique avoir mis « 80M d’apport, equity pour aller chercher 150M de dette », avant de partir dans une tirade pseudo-financière. Sauf que tout ça, c’est du flanc.
La vraie LOI, envoyée par Benotmane via Ketary Food, qui lui appartient, la voici :
Et s’il ne veut pas la diffuser, contrairement à d’autres documents, c’est parce que l’histoire ne va pas trop dans son sens. Comme quand il dit qu’il est l’associé unique et dirigeant du Groupe FBH et de tous les restaurants, incluant les Nabab.
L’offre est donc posée pour 230M€ :
En private equity - 125M€ - 53%
Via le consorsium de base
Arlington Capital 70M€ (29%)
Ketary / Benotman 15M€ (6%)
Via des co-investisseurs - 40M€ (16%)
Moorschild 20M€ (8%)
Peregrine Equity Partners 20M€ (8%
En dette - 112,3M€ - 47%
Ares Management - Debt facility de 50M€
HPS Partners
Deutsche Bank
Il n’est donc à aucun moment fait mention de BlackRock. Et contrairement à ce qu’il affirme52 il n’était pas prêt à mettre 25M€, mais 15.
Selon ses propres dires, Quick aurait finalement été vendu pour 237M€, et il aurait échoué parce que ses partenaires ont refusé d’ajouter sept petits millions.
En réalité, et ça ne va pas t’étonner, l’histoire est beaucoup plus simple.
Quand le process s’est engagé, KPMG a démarré un audit à un peu moins de 80K€ sur Quick. Sauf que de son côté, Lazard a eu toutes les difficultés du monde à obtenir les documents demandés à Benotmane. Notamment lorsqu’il a fallu prouver les 15M€ de liquidités disponibles. Qu’il n’avait évidemment pas. Et qu’il a tenté de “valoriser” via une bidouille comptable dans sa holding, ce qui n’a évidemment pas trompé les financiers de métier. Résultat : Bertrand a écarté son offre assez rapidement.
Pour autant, de nombreuses personnes ont été mobilisées sur ce deal, y compris Crédit Agricole, prêt à s’associer à son offre pour l’un de ses clients, ou encore le géant du poulet KFC. Dont on peut s’étonner que Benotmane ne les mentionne jamais.
Il faut dire que l’opération s’est très mal passée.
Initialement, il était question d’un deal à base de location-gérance avec la chaîne. Intéressés, les dirigeants ont voulu voir de leurs propres yeux le concept très bien vendu et packagé par Benotmane. Et la suite ressemble à une comédie française nulle avec Christian Clavier et Marilou Berry.
Parce que les Nabab et Tacos King n’avaient rien de géré ni d’unifié. Pendant le store tour avec les équipes de KFC, des équipements sont livrés juste avant la visite pour faire croire qu’ils existaient vraiment. Tout est magouillé pour « habiller la mariée », selon un des participants.
Sans même que KFC ait le temps de se positionner, un cadre recruté par Benotmane appelle la marque juste avant de quitter l’entreprise et leur dit que tout était faux.
Pas de quoi le décourager.
En 2024, il tentera de revenir à la charge, alors que la chaîne n’est pas à vendre, affirmant être capable de s’aligner sur une offre à un milliard, aidé par un fonds qatari.
Sa signature d’email indique désormais qu’il fait « plus d’un milliard de revenus ».
🏗️ Levée sans fond(s)
En réalité, entre 2020 et 2022, Benotmane tape à toutes les portes pour tenter de trouver des financements. Comme il parle bien, se présente bien et qu’il a quelques références médiatiques, les portes s’ouvrent. Mais elles se referment aussi vite que les audits.
Parce que si c’est désormais BG Capital qui sert à recevoir les fonds des franchisés, l’histoire, elle, n’a pas vraiment changé.
C’est désormais Ketari53 qui va servir d’accroche. Cette fois, le groupe est présenté comme étant « spécialiste de la restauration rapide depuis 2003 », avec les marques Nabab Kebab, Tacos King et Poke&Moi. Dans sa présentation aux financiers, on découvre alors une nouvelle version de l’histoire, où la revente devient la « création du groupe ».
C’est cette présentation qui amènera plusieurs partenaires à s’interroger sur la fameuse « période asiatique » évoquée au début. Et aussi sur les chiffres.
Parce que plusieurs des fonds et courtiers qui voient passer le dossier ont également lu les articles. Et restent circonspects face à cette slide :
Alors certes, le chiffre d’affaires ne concerne que les royalties de la franchise, et non celui des restaurants. Mais on arrive assez facilement à voir que :
Les franchisés payent autour de 110K€ par restaurant ;
Les restaurants détenus en direct affichent autour de 220K€ de chiffre d’affaires.
Très, très loin de ce qu’il a pu annoncer un peu partout, mais qui permet néanmoins de voir la nouvelle organisation, où FBH, NDM et leurs petits copains ont étrangement disparu.
Et qui donnera lieu à une réorganisation globalement identique, avec BG Capital en haut, détenue via le Luxembourg, puis une société par marque détenant les restaurants en propre, tandis que Ketary reçoit les royalties.
Parallèlement au projet, FBH (puisque c’est cette société qui signe le pitch deck) valorise également une tech du nom de FitFit, qui permettrait « d’opérer la gestion à 360° d’un restaurant grâce à une solution SaaS couvrant 100 % des besoins digitaux d’un restaurateur », développée par un certain Kevin Valfrin. Retenez ces deux noms, on en reparlera dans l’épisode deux.
La banque M&A en charge du dossier se décourage assez vite face aux réponses très évasives de Benotmane et de ses collaborateurs. Parce que rapidement, ils repèrent les points problématiques.
D’abord, la marque, qui a largement souffert. Si Benotmane se défend en disant qu’elle n’est pas écornée auprès des clients, les dizaines de franchisés qui ont quitté le navire commencent à faire parler d’eux.
Ensuite, les business plans, qui semblent très optimistes. Celui de Tours est présenté comme le flagship du groupe, alors que ses résultats, depuis bientôt vingt ans, sont très inférieurs aux ambitions.
Un peu plus tard, à un autre partenaire, il indique avoir tenté de lever plus de 12M€ mais avoir échoué à cause « d’une comptable externe très malhonnête », et devoir dissoudre BG Capital, censée pourtant porter le groupe, au profit d’une nouvelle société, Norbab & Flo. Tout en expliquant chercher des fonds pour lancer un glacier itinérant (800K€ de chiffre d’affaires par véhicule), une salle de Fit Boxing, dix restaurants L’Entrecôte (on en reparlera) et une vingtaine d’autres restaurants.
La réalité, c’est que les caisses sont vides, et qu’il survit grâce à l’argent qu’il récupère en droits d’entrée sur ses propres restaurants. Mais cela ne suffira bientôt plus à payer les factures.
Toujours la même année, il contacte un courtier à qui il sert le triptyque habituel : 120M€ de chiffre d’affaires, vente en 2014, départ en Asie. Il précise cette fois qu’il a « développé une centaine de restaurants cédés en 2019 au groupe de cafés Luckin ».
Luckin, le Starbucks chinois, a traversé une situation très compliquée depuis 2020, à la suite d’une fraude comptable interne révélée par le vendeur à découvert Carson Block. L’entreprise a ensuite été reprise et restructurée par Centurium Capital, entré petit à petit au capital depuis son IPO en mai 2019.
À ma demande, un spécialiste très proche du dossier s’est penché sur la question. Il dispose non seulement de la liste des dizaines de milliers de cafés du groupe, mais aussi des détails de la stratégie d’ultra-croissance déployée entre 2017 et 2019.
Extrait de la liste des cafés Luckin
Pour lui, l’opération n’a jamais existé.
« De 2017 à 2018, il n’y a eu que très peu de M&A, et le système n’a été utilisé que pour racheter des emplacements très précis et plutôt chers, en dehors des grosses villes prioritaires, et uniquement sur quelques points de vente. À partir de 2019, les comptes sont publics, et il n’est jamais fait état d’une telle acquisition. »
Certes.
Dans ce même email, Benotmane explique avoir fait 8M€ de chiffre d’affaires en 2021 (contre plus de 200M€ selon Les Échos) et avoir reçu une offre de valorisation à 16M€ de Waterland, qui voulait « devenir actionnaire », qu’il aurait réussi à négocier à 40M€.
Waterland n’a pas pu être jointe directement, mais une source connaissant le dossier parle d’une proposition de Benotmane à laquelle Waterland n’a jamais donné suite.
Encore et toujours une vérité arrangée par lui-même.
Sauf qu’il y a des endroits où on ne peut pas trafiquer la vérité.
🧱 La dernière brique
En 2023, c’est Courtepaille qui arrive sur le marché. Bertrand et HIG, encore eux, se battent avec La Boucherie, et soudain, Benotmane sort du bois54 malgré la situation financière, disons précaire, qu’on connaît maintenant. Accompagné par Rochefort & Associés, il met BG Capital sur le coup.
Le dossier est un peu serré, parce que Courtepaille avait été rachetée seulement trois ans plus tôt par le fonds anglais TDR, et vu l’échec, le tribunal va regarder de près, avec comme axe majeur, comme toujours, de sauver les emplois et d’éviter que les AGS payent.
Benotmane met le paquet : il faut reprendre la quasi-totalité des restaurants, expliquant poser 25M€, soit 10 de plus que l’argent qu’il n’avait déjà pas pour Quick.
Mais finalement, La Boucherie remporte la mise. Parce qu’à l’audience, le président lâche une bombe : Benotmane est en interdiction de gérer depuis plusieurs mois. Un témoin de la scène décrit le visage décomposé de honte de Benotmane.
Début 2024, Benotmane revient sur cet échec55, expliquant qu’il voulait en faire une chaîne halal.
« Faillite, les gens comprennent comme “t’as plus de thunes”, c’est pas ça. »
La juge lui aurait alors dit que sinon, il aurait eu l’affaire, et surtout qu’il n’était pas au courant. Ce qui est faux, puisqu’il était présent à l’audience, et qu’il a fait appel avant même d’avoir été notifié du jugement.
Mais il insiste à plusieurs reprises sur le fait que ce serait une entreprise qu’il aurait vendue en 2014.
« Tu regardes, garant… T’as vendu une entreprise y’a dix ans, et elle a fait faillite… Ça peut aller vite. Heureusement, j’ai pris connaissance et je me défends en appel. »
Sauf que :
L’entreprise n’a jamais été vendue et lui a toujours appartenu ;
L’interdiction a été confirmée, bien que réduite, en appel.
🪞Narcisse algorithmique
Durant cette enquête, toutes les personnes interrogées qui l’ont croisé, et avec qui les relations se sont détériorées, témoignent d’un homme qui s’énerve vite, pouvant rapidement devenir menaçant.
Je ne parle pas des ridicules échanges entre Benotmane et Bourbon, par stories interposées, pour savoir qui a la plus grosse.56
Mais de chaque personne qui a émis une critique, qu’il prend personnellement comme une remise en question. Et j’imagine bien être le suivant sur la liste.
Une ex-employée raconte comment Benotmane lui a demandé de « falsifier des bilans pour les fournir aux fonds et aux banques » lorsque la situation était tendue. Celle qui était alors en charge de la comptabilité a refusé.
Hakim l’insultera alors de proxéète et de mère maquerelle publiquement.
C’est également ce qu’a subi Mous, youtubeur spécialisé dans les enquêtes sur les arnaques ou comportement du même genre en ligne. Benotmane a fait plusieurs signalement pour faire supprimer les vidéos, qui ont un temps été mises hors ligne avant d’être rétablies.
C’est également ce qu’a subi Mous, youtubeur spécialisé dans les enquêtes sur les arnaques et comportements douteux en ligne. Benotmane a multiplié les signalements pour faire supprimer ses vidéos, qui ont été temporairement mises hors ligne avant d’être rétablies.
Le 31 octobre, lors d’un live réservé aux membres d’Hakisition, Benotmane a expliqué sa stratégie contre Mous :
L’attaquer pour diffamation en France, ce qui selon lui lui permettrait de récupérer « 4 ou 5K€ pour les frais d’avocats » ;
L’attaquer en Angleterre, où est basée sa société, et le faire condamner à « 3 ou 4M€ », puis lancer des saisies pour qu’il paye « jusqu’à la fin de sa vie ».
Avant d’ajouter qu’il a également attaqué YouTube France. Qui, pour rappel, est une marque et non une entreprise.
À de nombreuses reprises, il qualifie Mous de « mec qui bosse à l’usine » et qui « ne comprend rien à la finance », tandis que Bourbon est qualifié de SDF, en référence au storytelling qu’il raconte régulièrement. Pour avoir travaillé longuement avec Mous sur cette enquête, je peux affirmer que le mec (qui, en vrai, conduit un camion) avait compris depuis deux mois l’essentiel du problème, et que son travail a permis de boucler cette enquête en quelques jours au lieu de quelques mois.
Quelques semaines après les premières vidéos, les équipes de Benotmane invitent Mous à participer à un podcast pour un soi-disant échange de points de vue. Le youtubeur accepte le principe, mais ne peut s’y rendre aux conditions imposées, à cause de contraintes professionnelles.
Il comprend rapidement que le format ne sera pas à son avantage, que le montage pourrait le piéger, et quand il commence à émettre des réserves, son contact le menace d’une plainte en diffamation.
Après avoir proposé de se déplacer dans la ville de Mous, et suite à son refus, Benotmane partage alors l’adresse du domicile de Mous, où il vit avec ses deux filles de quatre et six ans.
Une première personne, puis une deuxième, se présenteront dans les jours qui suivent au domicile de Mous, qui finira par porter plainte.
A de très nombreuses reprises, j’ai pu consulter des communications insultantes et outrancieères, parfois publiqus, parfois privées. Mais également des propos racistes, qui tombent sous le coup de la loi.
Parce que Benotmane joue à la fois la carte du racisme quand ça l’arrange, pour expliquer certains échecs et cultiver une fibre communautaire, tout en tenant des propos particulièrement abjects. Et ouvertement racistes.
Lorsqu’il parle des employés de kebab du Sud qui sèchent pour aller au match, ou encore lorsqu’il relate une scène avec une prétendue comptable qui lui aurait dit :
« Je suis désolée de vous dire ça, monsieur Benotmane, mais ce sont les noms à connotation arabe qui ne payent pas les loyers. »
Et à qui il aurait répondu :
« Prenez plus d’Arabes. Voilà, vous louez aux Européens. »
Ou encore lorsqu’il explique, en parlant de ses franchisés :
« Les Juifs, les Blancs payent le premier du mois les redevances [...] L’Arabe, il te disait t’inquiète, l’Arabe il me disait cette phrase “on s’arrange”. »
Sans parler de ces extraits audios aux propos extrêmement violents sur les Algériens.
Alors qu’on le verra dans le second épisode, il utilisera à de nombreuses reprises ses origines et sa réussite pour convaincre des investisseurs d’entrer dans son club Hakisition.
Pour le pire, et pour le pire.
💬 Vérité non contractuelle
C’est sans grande surprise que la conclusion de cette enquête est qu’Hakim Benotmane est un menteur, qui n’a jamais ni vendu sa boîte ni atteint les chiffres qu’il affirme. Probablement que l’immense majorité des bientôt 150’000 abonnés de Zero Bullshit n’avait besoin que de quelques minutes pour s’en rendre compte.
Mais il me semblait important, avant d’entrer dans les graves problèmes liés au club Hakisition, qui seront l’objet d’un deuxième épisode, d’expliquer le contexte et de donner des preuves concrètes à ceux qui se sont fait berner par des mensonges, sans avoir la grille de lecture.
La vérité n’est ni un débat ni un juste milieu.
Ce n’est pas parce qu’Hakim Benotmane dit qu’il a vendu 100M€ et que je dis qu’il n’a pas vendu, que la vérité est entre les deux.
Ce n’est pas parce qu’un chauffeur de camion dit un truc, que c’est pour autant faux.
Ce n’est pas parce qu’un mec utilise des mots que tu ne comprends pas, qu’il est forcément intelligent (et qu’il les comprend).
Et allons au bout de la démarche : ce n’est pas parce que Les Échos ou Le Parisien l’ont écrit, que c’est vrai.
Et clairement, les médias doivent rapidement se remettre en cause.
Déjà, pour le traitement récent de l’information, réduite à un clash entre Bourbon et Benotmane, comme si les deux faisaient la même chose, de la même façon, pouvaient être comparés, sans passer une minute à vérifier le fond du sujet.
Mais surtout, parce que la légitimation soudaine d’Hakim Benotmane est la conséquence directe de plusieurs années de journalisme défaillant, où des rédactions ont accepté de copier-coller des communiqués de presse sans jamais faire la moindre vérification.
C’est grave.
D’autant plus qu’on voit de plus en plus de porosité entre articles et publicité. Il y a quelques jours, on apprenait par exemple qu’Hugo Clément, le chantre de la bonne conscience, faisait de la publicité déguisée sur YouTube57. Et encore, la journaliste n’a pas retrouvé la newsletter58 ou le post LinkedIn59 d’Hugo Clément, où il fait la publicité de l’agent de PSP et greenwasher60 Green Got sans la moindre mention publicitaire, alors que les liens sont trackés, et que Clément… est actionnaire de Green Got61 !
Et je ne parle même plus de M6, qui sert de tremplin publicitaire à des dizaines de fintechs, de Bricks à Blast, et qui faisait encore la promotion de logiciels de trading dans une émission il y a quelques semaines. D’ailleurs, la nouvelle saison de Qui veut être mon associé ? arrivera moins d’un mois après le lancement de la plateforme d’investissement immobilier d’un nouveau membre du jury.
Dans un email à un partenaire financier qui n’a jamais donné suite, Benotmane écrit :
« C’est Nabab qui a donné envie à O’Tacos, G La Dalle, Point B, Pitaya... de faire de la franchise. »
C’est probablement faux. Mais possible.
Le bon entrepreneur, ce n’est pas celui qui a les bonnes idées. C’est celui qui sait les mettre en place. Ca devrait être ça, la leçon mindset qu’il distille.
Et dans le deuxième épisode, nous reviendrons sur la nouvelle entreprise d’Hakim Benotmane : le club Hakisition.
Et sans spoiler : il ne finira pas mieux que son passage dans la restauration.
J’ai été initialement contacté par Hakim Benotmane et ses équipes (après qu’ils ont diffusé mes coordonnées). À la fin de cette enquête, je leur ai proposé de répondre. Ils ont accepté, puis n’ont plus donné de nouvelles.
Sollicité Look&Fin n’a pas répondu à mes questions.
Hakim Benotmane ou l’aventure chahutée du roi du kebab, Stéphane Frachet, Les Echos, 15 juillet 2022
Fonds souvenir d’Abou Dabi
Hakim Benotmane va ouvrir son 200e Nabab à Tours : “C’est la ville d’où tout est parti “, Évelyne BELLANGER, 6 mars 2022
Le roi du kebab Hakim Benotmane rêve d’une nouvelle success-story, Guillaume Fischer, Le Parisien, 16 septembre 2022
New York Factory, Une Franchise De Restauration Rapide Financée Par Le Crowdlending, Hello Franchise, 26 février 2016
Un nouveau concept de restauration rapide financé via la plateforme de crowdlending Look&Fin, Claude Leguilloux, Boursier.com, 25 fevrier 2016
Ancien nom d’123IM
Le groupe Nabab Kebab lève 5M€ et crée une plateforme multimarques pour la franchise, Snaking, 2 mars 2016
Encore une blague de P.D.
Selon les versions
Cour d’appel de Paris, Pôle 5 chambre 2, 4 avril 2025, n° 23/00090
RCS n° 798 574 646
RCS n° B199857
RCS n° 828 084 624
RCS n° 821 483 401
RCS n° 820 493 138
RCS n° B189062
BEKBOBCE.0671.720.545
Cachou 84, Le Domaine Bleu, StudShop34, HB MAGUELONNE/Rambuto
Je réponds aux accusations à mon encontre, Hakim Benotmane, YouTube, 31 octobre 2025
Siret n° 448 212 183
Tribunal de commerce / TAE de Tours, Référés, 27 février 2015, n° 2015000113
Cour d’appel de Paris, Pôle 5 chambre 6, 23 novembre 2022, n° 21/03169
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 15 avril 2021, n° 19/14040
FR : 4952769.
RCS n° 499 057 529
P202100958
Arrêt n° 119/24 IV-COM
Tribunal de grande instance de Paris, Service du juge de l’exécution, cabinet 6, 22 décembre 2017, n° 17/83853
Tribunal de commerce / TAE de Paris, 4 juillet 2017, n° 2017021093
Tribunal de commerce / TAE de Paris, 9 ème chambre, 16 avril 2018, n° 2017047926
Cour d’appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 4 juillet 2019, n° 19/06690
Cour d’appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 14 mai 2019, n° 19/08062
Cour d’appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 23 juin 2021, n° 20/17713
Cour d’appel d’Orléans, Chambre commerciale, 13 février 2025, n° 24/00835
CAA de PARIS, 7ème chambre, 29 avril 2025, 23PA01797,
Tribunal de commerce / TAE de Paris, Référé mardi salle 3, 15 janvier 2019, n° 2018064869
Cour d’appel d’Angers, Chambre a - commerciale, 25 février 2020, n° 18/01598
Cour d’appel de Paris, Pôle 1 - chambre 8, 19 novembre 2021, n° 21/04123
Jugement du 31 Janvier 2023 - Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2022006324
P202100958
Jugement dans le cadre de la faillite de la SPRL TKB - 0671.720.545
N° 2023 / 110630
Selon les informations communiquées par le greffe, il n’y a pas d’appel sur les autres procédures
Cour d’appel de Paris, 6 mars 2025, 23/07215
RCS n° B189062
Procédure n°F-2024/00231-L
Hakim Benotmane : “J’ai fait 125 millions de chiffres d’affaires en vendant des kebabs”, Sans Permission, 3 janvier 2025
Le roi du kebab Hakim Benotmane rêve d’une nouvelle success-story, Guillaume Fischer, Le Parisien, 16 septembre 2022
Pourquoi J’Ai Perdu Courtepaille : L’Histoire Secrète d’un Rachat Raté!, Vision Business, YouTube, 2025
Podcast Sans Permission
Podcast Sans Permission
Selon les documents de financements, mais Ketary Food selon le deal Quick et les documents sociaux
Le roi du kebab, Hakim Benotmane, veut avaler Courtepaille, Aroun Benhaddou, L’Informé, 12 mai 2023
Pourquoi J’Ai Perdu Courtepaille : L’Histoire Secrète d’un Rachat Raté!, Vision Business, YouTube, 2025
Communauté, évidemment
CheckNews Publicité et journalisme : le mélange des genres d’Hugo Clément sur YouTube, Elsa de La Roche Saint-André, 30 octobre 2025
Vous risquez de les croiser sur la route, Hugo Clément, 6 mars 2024
Réponse à Andréa Ganovelli, co-fondateur de Green-Got, Julien Lefournier, Bon Pote, 26 mai 2025
Carbone 4 retire son article sur le compte courant : l’argument marketing de Green-Got s’effondre, Thomas Wagner, Bon Pote, 4 juin 2025
Changer de banque pour sortir des énergies fossiles ?, Julien Lefournier, Bon Pote, 20 mai 2025























































Quel travail, Bravo à toi et à Mous pour ce débunkage