đ„Livret A : 100G⏠qui ne servent Ă rien
Pourquoi la Caisse des DépÎts n'arrivent plus à utiliser l'argent du Livret A ?
Bonjour,
Le Livret A, câest un peu comme le vieux canapĂ© en velours de Mamie : tout le monde lâa, il traĂźne depuis des annĂ©es dans un coin, et personne ne veut vraiment sâen sĂ©parer. Un hĂ©ritage rassurant, quâon garde « au cas oĂč », sans trop se poser de questions.
Sauf que sous ses airs de planque tranquille, le Livret A est surtout une gigantesque machine Ă cash⊠qui ne profite pas forcĂ©ment Ă ceux qui y dĂ©posent leur argent. OĂč va rĂ©ellement cet argent ? Qui en tire vraiment avantage ? Et pourquoi la Cour des comptes commence Ă froncer les sourcils ?
Et surtout, pourquoi plus de 100G⏠de sont pas investis par la Caisse des DĂ©pĂŽts, alors mĂȘme que les acteurs du logement sociaux disent manquer de financement ?
Regardons tout ça en détail.
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đ·Une Ă©pargne populaire
Le Livret A voit le jour le 22 mai 1818, en pleine gueule de bois napolĂ©onienne. LâĂtat, fauchĂ© comme les blĂ©s (qui lui, pour le coup, repousse enfin), cherche dĂ©sespĂ©rĂ©ment Ă renflouer ses caisses. Pour ça, un industriel et banquier du nom de Benjamin Delessert, avec le soutien du duc de La Rochefoucauld-Liancourt, vend Ă la population un concept brillant : une Ă©pargne sĂ©curisĂ©e, accessible Ă tous, destinĂ©e Ă Ă©viter la misĂšre et les dettes.
Sur le papier, lâintention est louable. Dans la rĂ©alitĂ© ? Ce sont surtout les bourgeois qui se ruent dessus. En 1818, seuls 352 livrets sont ouverts, en grande majoritĂ© par des Parisiens bien installĂ©s. Il faudra attendre 1835 pour que le chiffre atteigne 120K, puis 2M en 1869. Le mouvement est lancĂ©, mais il reste limitĂ© : en 1890, seuls 5% des Français ont un Livret A. Câest Ă partir du XXe siĂšcle que lâĂ©pargne devient vraiment populaire : 30 % des habitants en possĂšdent un en 1910, 40% en 1920 et 47% en 1939.
DĂšs 1835, lâĂtat confie la gestion des fonds Ă la Caisse des DĂ©pĂŽts, qui sĂ©curise lâargent et le rĂ©investit dans des projets publics. Une mĂ©canique bien rodĂ©e qui tiendra presque deux siĂšcles. En 1881, le plafond des dĂ©pĂŽts est relevĂ© pour permettre aux mĂ©nages dâĂ©pargner davantage. Mais le vĂ©ritable tournant arrive en 1945 : le Livret A devient un outil majeur du financement du logement social, renforçant son rĂŽle dans lâĂ©conomie du pays.
DĂšs sa crĂ©ation, il est Ă la fois un outil de prĂ©voyance et un instrument politique. Pour Delessert et La Rochefoucauld-Liancourt, il faut inciter les classes populaires Ă Ă©pargner pour Ă©viter quâelles ne deviennent dĂ©pendantes de lâaide publique. Le Moniteur Universel, journal de lâĂ©poque ne sâembarrasse dâailleurs pas de fioritures : les caisses dâĂ©pargne sont un « moyen de limiter le nombre des prolĂ©taires, classe qui peut devenir dangereuse »1. DerriĂšre la façade sociale, il sâagit surtout de rassurer les Ă©lites en instaurant une forme de discipline Ă©conomique.
Le Livret A est dâabord rĂ©servĂ© aux Ă©pargnants prudents et relativement aisĂ©s. En 1818, plus de la moitiĂ© des premiers dĂ©posants viennent de la haute bourgeoisie. Ce nâest quâen 1838 que les ouvriers reprĂ©sentent 42% des dĂ©tenteurs. Progressivement, le produit sâancre dans la culture populaire, au point dâinspirer une comĂ©die vaudeville en 1836 intitulĂ©e La Caisse dâĂpargne2.
Mais dans lâombre, les banques commencent Ă voir dâun mauvais Ćil ce modĂšle sous contrĂŽle Ă©tatique. Lâargent collectĂ© Ă©chappe au marchĂ© bancaire classique, et sa distribution reste verrouillĂ©e. Seules la Caisse dâĂpargne, La Poste (devenue Banque Postale) et, depuis 1975, le CrĂ©dit Mutuel (via le Livret Bleu) peuvent le commercialiser. Un monopole qui tiendra jusquâen 2008, avant que lâUnion EuropĂ©enne impose son ouverture Ă toutes les banques.
En thĂ©orie, cette libĂ©ralisation devait favoriser lâaccĂšs et dynamiser la concurrence. En pratique, les acteurs historiques conservent leur suprĂ©matie, et les banques, peu emballĂ©es par un produit peu rĂ©munĂ©rateur (surtout pour elles), le relĂšguent au second plan. Lâaugmentation des plafonds, censĂ©e encourager lâĂ©pargne populaire, profite surtout aux mĂ©nages aisĂ©s, qui sont les seuls Ă pouvoir les atteindre. RĂ©sultat Ă ce jour : le Livret A est un produit dâĂ©pargne incontournable, dĂ©tenu par 83% des Français et pesant lourd dans les encours rĂ©glementĂ©s, mais avec une rĂ©partition des fonds qui ne bĂ©nĂ©ficie pas Ă tout le monde.
A fin 20233 :
Lâencours moyen est de 7â033⏠;
En hausse de 700⏠vs. 2022 ;
Mais
32% ont moins de 150⏠;
16% 150-1â500⏠;
12,7% dĂ©passent les 22â950⏠de plafonds (+3pts vs. 2022) ;
Et les « dépasseurs » représentent 40% des encours ;
Dâautant que
Lâencore moyen est de 8â802⏠en Aveyron, 8â227⏠dans le Puy-de-DĂŽme ou 8â551⏠en Haute-Loire ;
Et seulement 6â128⏠dans le Nord, 5â979⏠en Haute-Corse et 4â162⏠en Seine-Saint-Denis.
đ°Une Ă©pargne, des livrets
Si tout le monde connaĂźt le Livret A, il nâest pas seul dans la famille de lâĂ©pargne rĂ©glementĂ©e. Il partage lâaffiche avec le Livret de DĂ©veloppement Durable et Solidaire (LDDS) et le Livret dâĂpargne Populaire (LEP). Trois produits avec des profils diffĂ©rents, mais un point commun : des taux fixĂ©s par lâĂtat et une absence de fiscalitĂ©.
Le Livret A, lâincontournable. Plafond de 22â950 âŹ, taux actuel de 2,4%, exonĂ©rĂ© dâimpĂŽts et de prĂ©lĂšvements sociaux. Il est dĂ©tenu par 83% des Français et capte lâessentiel de lâĂ©pargne rĂ©glementĂ©e.
Le LDDS, la version verte et solidaire. Plafond Ă 12â000 âŹ, mĂȘme taux que le Livret A, et censĂ© financer la transition Ă©nergĂ©tique. Mais avec seulement 36% de dĂ©tenteurs, il reste en retrait.
Le LEP, rĂ©servĂ© aux mĂ©nages modestes. Plafond de 10â000 âŹ, taux Ă 6%, loin devant les autres livrets. Pourtant, il est boudĂ© (ou sans doute mal compris) : seuls 50 % des foyers Ă©ligibles lâont ouvert.
On pourrait aussi parler du Compte dâĂpargne Logement (CEL), du Plan dâĂpargne Logement (PEL), du Livret Jeune ou du Livret dâĂpargne Entreprise (LEE), mais ces produits ont perdu en attractivitĂ©. LâĂ©pargne logement, en particulier, ne fait plus rĂȘver : la collecte est en baisse depuis 2017, avec des taux qui peinent Ă dĂ©passer 1%. Les montants Ă©tant nĂ©gligeables, on va les mettre de cĂŽtĂ© pour aujourdâhui (et pour tous les autres jours oĂč tu reliras, dâailleurs).
En tout, plus de 500G⏠dorment sur ces livrets, soit 14 % de lâĂ©pargne financiĂšre des mĂ©nages français, dont 400G⏠rien que pour le Livret A et le LDDS. Ă lui seul, le Livret A reprĂ©sente le plus gros bas de laine des Français, avec plus de 55M de comptes ouverts. Enfin, si beaucoup de vendeur dâĂ©pargne disent que lâargent dort, puisquâon la voit et quâelle ne bouge pas, on verra quâen rĂ©alitĂ©, câest pas tout Ă faire le cas (mais quand mĂȘme un peu, pour teaser).
Produit-phare de lâĂ©pargne de prĂ©caution, le Livret A a vu ses dĂ©pĂŽts bondir en pĂ©riode de crise : +45G⏠en 2020, en pleine pandĂ©mie, et dĂ©jĂ un pic en 2008-2009 aprĂšs la crise financiĂšre. Son succĂšs repose sur sa garantie dâĂtat et son accessibilité⊠puisque concrĂštement, il fonctionne aujourdâhui de la mĂȘme maniĂšre quâun compte courant oĂč lâon peut retirer et mettre immĂ©diatement des fonds.
đUn taux variableđ
Si la majoritĂ© des Français lâutilisent câest parce quâil est garanti, et Ă©videmment parce quâil rapporte des intĂ©rĂȘts. Officiellement, le taux du Livret A est censĂ© suivre une formule mathĂ©matique calĂ©e sur lâinflation et les taux monĂ©taires de la zone euro. En rĂ©alitĂ©, il est souvent ajustĂ© en fonction des prioritĂ©s Ă©conomiques du moment.
La derniĂšre version en date est dĂ©finie par lâarrĂȘtĂ© du 27 janvier 2021 relatif aux taux dâintĂ©rĂȘt des produits dâĂ©pargne. Cette rĂ©forme a modifiĂ© la mĂ©thode de calcul en introduisant une nouvelle approche basĂ©e sur une moyenne arithmĂ©tique.
Le taux est donc déterminé par la valeur la plus élevée entre :
La moyenne semestrielle de lâinflation hors tabac, mesurĂ©e par lâindice INSEE mensuel des prix Ă la consommation, hors tabac, de lâensemble des mĂ©nages4 ;
La moyenne semestrielle du taux Ă court terme en euros (âŹSTR)5 ;
Lâensemble est divisĂ© par deux ;
Un arrondi au dixiÚme de point le plus proche, ou à défaut au dixiÚme de point supérieur.
Ou
Un taux plancher de 0,5 %, en dessous duquel le Livret A ne peut jamais descendre.
Avant cette rĂ©forme, la fixation du taux Ă©tait rĂ©gie par lâarrĂȘtĂ© du 14 juin 2018, qui avait lui-mĂȘme modifiĂ© le rĂšglement CRBF 86-13 du 14 mai 1986 (ouais). Parmi les diffĂ©rences majeures entre les deux formules :
Suppression du bonus automatique de 0,25 % au-delĂ de lâinflation, qui existait auparavant ;
Passage de lâindicateur de taux monĂ©taires de lâEonia Ă lââŹSTR, jugĂ© plus reprĂ©sentatif du marchĂ© monĂ©taire6 ;
Modification de la rĂšgle dâarrondi : auparavant effectuĂ©e au quart de point le plus proche, elle est dĂ©sormais ajustĂ©e au dixiĂšme de point le plus proche :
Introduction dâun plafonnement transitoire de 0,5 point entre deux rĂ©visions successives pour limiter les fluctuations brutales.
Sauf que ça, câest la thĂ©orie. MĂȘme si câest la loi. Mais si, quand le taux est repassĂ© Ă 2,4% au 1er fĂ©vrier dernier, le ministre de lâĂ©conomie Eric Lombard a parlĂ© dâune « application stricte de la formule », câest parce que ça nâa pas toujours Ă©tĂ© le cas.
Il y a quelques semaines jâavais dâailleurs publiĂ© sur le sujet. Je ne vais pas refaire lâintĂ©gralitĂ© du calcul ici, mais en gros, le changement de rĂšgle et sa non application a permis dâĂ©conomiser 71G⏠dâintĂ©rĂȘts, qui nâont pas Ă©tĂ© distribuĂ©s aux Français.
Le LEP a suivi une trajectoire inverse. En 2025, la formule officielle donnait un taux de 2,9%, mais la Banque de France a recommandĂ© de le fixer Ă 3,5% (contre 4% auparavant). Une dĂ©cision validĂ©e par le gouvernement, officiellement pour prĂ©server son attractivitĂ© et Ă©viter une chute trop brutale. Mais aussi parce que tout le monde sâen fout :
Les volumes sont faibles ;
Câest une catĂ©gorie de population qui consomme moins ;
Câest une catĂ©gorie de population qui nâachĂštera pas de placement risquĂ©.
âïžUn sujet politique (et pas que)
Cette exception a Ă©tĂ© rendue possible grĂące Ă lâarticle II dâel famoso arrĂȘtĂ© du 27 janvier 2021 : la Banque de France peut proposer un taux diffĂ©rent de celui rĂ©sultant du calcul, si elle juge que des « circonstances exceptionnelles » le justifient, ou si le nouveau taux risque de ne pas « prĂ©server globalement le pouvoir dâachat des Ă©pargnants ».
Parce que derriĂšre ce chiffre se cache des intĂ©rĂȘts divergents complexes :
đ Un taux trop Ă©levĂ© encourage lâĂ©pargne (rĂ©glementĂ©e) au dĂ©triment de la consommation et des investissements privĂ©s, ce qui freine la croissance Ă©conomique.
đ Un taux trop bas pousse les mĂ©nages Ă diversifier leurs placements, ce qui rĂ©duit la collecte des banques et complique le financement du logement social.
Câest finalement lâhistoire inverse de la BCE7, qui augmente ses taux pour Ă©viter que les gens empruntent, ce qui limite lâaugmentation des prix. Cela impacte Ă©galement Ă la hausse le prix des obligations, et donc du Livret A, et plus largement du garanti. Ce qui incite donc tout le monde Ă Ă©pargner, plutĂŽt quâĂ consommer. Câest comme ça quâon lutte contre lâinflation.
Cette mĂȘme BCE voit dâailleurs dâun mauvais Ćil lâĂ©pargne rĂ©glementĂ©e. Elle la qualifie mĂȘme dâ« anomalie » dans un rapport, puisquâelle fausse la transmission de sa propre politique monĂ©taire et freine le dĂ©veloppement dâautres placements plus risquĂ©s, ce qui nâexiste pas, ou de maniĂšre plus anecdotique, dans les autres pays de la zone euro.
Un avis que partagent, pour dâautres raisons, les professionnels de lâĂ©pargne, qui lorgnent sur ces gigantesques encours.
đ Mais dis-moi JamyâŠ
Comment ça marche le Livret A, en vrai ? Parce que si, comme on lâa vu, yâa une histoire de logement social dâun cĂŽtĂ©, et de taux de lâautre, câest en rĂ©alitĂ© pas si simple.
Le Livret A repose sur un mĂ©canisme plus ou moins bien huilĂ©, gĂ©rĂ© par plusieurs acteurs aux intĂ©rĂȘts parfois divergents. Tous les Ă©tablissements bancaires ayant signĂ© une convention avec lâĂtat peuvent le distribuer. Lorsquâun client ouvre un Livret A, les fonds dĂ©posĂ©s sont enregistrĂ©s sur le bilan de la banque, comme nâimporte quel autre produit dâĂ©pargne. Mais contrairement aux livrets classiques, ces sommes ne restent pas intĂ©gralement entre les mains des banques : elles sont en grande partie centralisĂ©es par la Caisse des DĂ©pĂŽts et Consignations (CDC), qui en assure la gestion et lâaffectation.
Câest le Fonds dâĂ©pargne, structure interne Ă la CDC, est spĂ©cifiquement chargĂ© de la gestion des encours centralisĂ©s de lâĂ©pargne rĂ©glementĂ©e. Son rĂŽle principal est dâassurer le financement des missions dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral comme le logement social, la transition Ă©cologique et le dĂ©veloppement territorial.
Depuis la rĂ©forme de 2009, les banques conservent 40,5% des encours du Livret A et du LDDS, tandis que 59,5% sont transfĂ©rĂ©s Ă la CDC, selon un taux de centralisation fixĂ© par lâĂtat. En 2023, cela reprĂ©sentait 370,5G⏠centralisĂ©s Ă la CDC, tandis que 160G⏠restaient dans les banques qui elles aussi ont des obligations quant Ă lâutilisation, et notamment :
Des prĂȘts aux petites et moyennes entreprises (PME), qui reprĂ©sentent la majeure partie de cet emploi ;
La transition Ă©nergĂ©tique et Ă©cologique, notamment Ă travers les prĂȘts aux logements neufs et les Ă©co-prĂȘts Ă taux zĂ©ro ;
Des investissements dans lâĂ©conomie sociale et solidaire (ESS), bien que leur suivi reste limitĂ© faute de traçabilitĂ© prĂ©cise dans les bilans bancaires.
Câest dâailleurs assez amusant. Parce que quand les banques parlent de la fameuse Ă©conomie rĂ©elle, celle de boulangerie ou des coiffeurs, câest en grande partie permis grĂące au Livret A. Pareil pour le 2e point susmentionnĂ© (je parle bien hein) qui est souvent avancĂ© comme une jolie offre alors⊠que câest simplement une obligation.
Lâobjectif affichĂ© du Livret A est donc dâorienter lâĂ©pargne vers des projets dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. En thĂ©orie, lâargent collectĂ© doit ĂȘtre rĂ©injectĂ© dans lâĂ©conomie, principalement Ă travers le financement du logement social, des infrastructures publiques et du dĂ©veloppement territorial. Mais en pratique, la situation est bien plus contrastĂ©e, et repose sur un triumvirat aux intĂ©rĂȘts divergents.
1ïžâŁ La Caisse des DĂ©pĂŽts, la banque de lâĂtat
Si les banques jouent un rĂŽle dans la collecte des fonds, câest bien la CDC qui se charge de les rĂ©affecter. En tant que bras droit du CEO de lâĂtat, elle est responsable du financement des logements sociaux, des infrastructures publiques et des projets territoriaux. En thĂ©orie, cet argent doit circuler et ĂȘtre utilisĂ© pour financer des prĂȘts de long terme (20 Ă 40 ans), principalement destinĂ©s aux bailleurs sociaux et aux collectivitĂ©s locales. Ces prĂȘts sont directement indexĂ©s sur le taux du Livret A, garantissant une correspondance entre les ressources collectĂ©es et les financements accordĂ©s. Mais avec des intĂ©rĂȘts forcĂ©ment divergents entre les Ă©pargnants Français, et les promoteurs du logement social.
Sauf que cette mĂ©canique dont jâavais expliquĂ© quâelle Ă©tait plus ou moins bien huilĂ©e, est grippĂ©e. Avec la hausse des taux du Livret A depuis 2022, lâĂ©quation Ă©conomique de ces financements sâeffondre. Plus le taux du Livret A grimpe, plus les crĂ©dits accordĂ©s par la CDC deviennent coĂ»teux, ce qui rĂ©duit la demande des organismes et des collectivitĂ©s. RĂ©sultat : faute de preneurs, la CDC se retrouve avec 100 Ă 120G⏠de fonds immobilisĂ©s, sur les 370,5G⏠centralisĂ©s⊠tout en devant ĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ©s.
Oui oui, tâas bien lu :
Alors que tout le monde cherche du pognon, notamment dans lâimmo
Yâa 100-120G⏠qui servent Ă rien ;
Et la CDC doit filer du 3%, soit 3-3.3G⏠lâannĂ©e derniĂšre de sa poche.
Ce paradoxe sâexplique par plusieurs facteurs :
Une gestion des risques stricte : la CDC est soumise Ă des rĂšgles prudentielles rigoureuses, parce quâelle doit assurer les dĂ©fauts, donc il en faut un minimum. Elle doit en plus garantir une liquiditĂ© suffisante en cas de retraits massifs et respecter un ratio de fonds propres de 14%, ce qui limite sa capacitĂ© Ă engager certains financements.
Des promoteurs moyennement chauds : la demande de prĂȘts pour le logement social et les infrastructures a chutĂ©, parce que le marchĂ© a chutĂ© (hausse des couts, difficultĂ©s Ă dĂ©doubler les projets etc.), laissant la CDC avec des fonds inutilisĂ©s.
Des conditions de prĂȘts pas ouf : avec la remontĂ©e des taux, les prĂȘts adossĂ©s au Livret A deviennent de moins en moins attractifs, poussant collectivitĂ©s et bailleurs Ă se tourner vers dâautres sources de financement. Ou Ă attendre que ça descende (comme les particuliers).
Un placement partiel sur les marchĂ©s : pour Ă©viter que ces fonds ne dorment totalement, la CDC place une partie de sa trĂ©sorerie en obligations et actions, afin dâoptimiser son rendement et de maintenir lâĂ©quilibre du Fonds dâĂ©pargne. Et vu que ça marche pas trop mal, finalement personne ne sâen inquiĂšte. MĂȘme si câest pas le rĂŽle initial.
Ce nâest pas seulement un problĂšme pour la CDC, mais aussi pour lâĂtat. Un taux du Livret A trop Ă©levĂ© pĂ©nalise dĂ©jĂ les banques en rendant cette Ă©pargne trop coĂ»teuse pour elles, tout en limitant lâintĂ©rĂȘt des produits risquĂ©es.
Mais surtout, il complique la gestion des finances publiques en alourdissant la charge de rémunération des dépÎts mais aussi le financement des collectivités.
DâoĂč les manĆuvres alambiquĂ©es pour essayer de contenir, voire baisser le taux du Livret A, sous couvert dâarbitrages techniques. Officiellement, il sâagit dâassurer un Ă©quilibre entre Ă©pargne et financement. En pratique, câest un jeu dâĂ©quilibriste opaque oĂč les prioritĂ©s budgĂ©taires prennent le pas sur la logique affichĂ©e du systĂšme.
2ïžâŁ Les banques, grandes gagnantes
Le Livret A est prĂ©sentĂ© comme un produit dâĂ©pargne populaire, mais dans les faits, câest avant tout une formidable opportunitĂ© pour les banques. Elles conservent 40,5% des encours, soit environ 160GâŹ, quâelles ne laissent Ă©videmment pas pioncer dans un coin. On lâa vu, ces fonds sont placĂ©s dans 3 catĂ©gories majeures, mais Ă©galement en obligations dâĂtat, par exemple, ou des placements divers qui gĂ©nĂšrent des marges confortables.
Autrement dit, elles encaissent des intĂ©rĂȘts sur lâargent des Ă©pargnants⊠sans fournir le moindre effort. Parce que quand une PME est financĂ©e via les fonds du Livret A, le spread entre le taux du Livret A et celui auquel la PME emprunte, câest de la marge gratos.
Le coĂ»t de cette ressource est lâun des plus bas du marchĂ©, bien infĂ©rieur aux taux quâelles offrent sur dâautres types de dĂ©pĂŽts ou quâelles doivent payer pour se financer auprĂšs des marchĂ©s.
En contrepartie, elles sont censĂ©es respecter des obligations dâemploi de ces fonds, notamment pour financer les PME, la transition Ă©cologique et lâĂ©conomie sociale et solidaire. Mais en pratique, le suivi de ces engagements reste flou. La Banque de France travaille sur des outils pour mieux tracer lâaffectation des fonds, mais aujourdâhui, la transparence est encore limitĂ©e. Ce que mâexplique le CFO dâune grande banque.
« Beaucoup sâimaginent que la collecte du Livret A va dans une boĂźte quâon ouvre quand la Caisse des DĂ©pĂŽts toque Ă la porte, puis Ă chaque fois quâon doit financer un projet. En fait, la partie centralisĂ©e est rĂ©guliĂšrement calculĂ©e pour ĂȘtre renvoyĂ©e Ă la CDC, mais le reste entre dans les dĂ©pĂŽts globaux et non dans une poche spĂ©cifique. Dâautant que chaque branche, chaque caisse, chaque agence, a des libertĂ©s sur le sujet ce qui rend difficile une traçabilitĂ© globale. Par exemple, une agence Ă Montluçon ne va pas produire des Ă©co-prĂȘts uniquement avec ses dĂ©pĂŽts Livret A. »
Une difficultĂ© confirmĂ©e par un cadre financier dâune banque cotĂ©.
« Certains dans les administrations fantasment un monde oĂč chaque ligne entre dans un tableau Excel avec un label. Ce nâest rĂ©alitĂ© que dans le cas oĂč un Ă©tablissement centralise lâintĂ©gralitĂ© des opĂ©rations. Mais dans le mĂȘme temps, on nous demande de dĂ©centraliser, de laisser de la latitude localement. »
Ce qui est certain, câest que les banques ne se contentent pas de cette manne qui entre dans leur bilan. Elles touchent Ă©galement une rĂ©munĂ©ration pour la part centralisĂ©e des dĂ©pĂŽts. En 2020, la CDC leur a versĂ© 850M⏠en commissions de distribution pour leur rĂŽle de collecte du Livret A et du LDDS.
Chaque revalorisation du taux rĂ©duit mĂ©caniquement la marge des banques sur ces fonds, ce qui explique leur opposition systĂ©matique Ă toute hausse trop importante. La FĂ©dĂ©ration bancaire française a ainsi menĂ© un lobbying intense pour freiner toute augmentation du taux du Livret A, craignant un renchĂ©rissement du coĂ»t de cette ressource bon marchĂ©. Ă lâinverse, plus le taux est bas, plus elles conservent une source de financement ultra-compĂ©titive, leur permettant de maximiser leurs rendements sur le dos des Ă©pargnants. Tout en vendant des produits dâĂ©pargne plus risquĂ©s.
Parce que les banques, mais plus largement les gĂ©rants, adorent taper sur le Livret A. Jâai dâailleurs racontĂ© ici plusieurs fois comment je mâĂ©tais opposĂ© Ă ce discours quand jâĂ©tais chez un gĂ©rant qui expliquait en gros que :
Lâinflation est Ă 2% ;
Le Livret A est Ă 0,5% ;
Donc tu perds 1,5% / an ;
Donc viens acheter [nom du produit] à [rendement éclaté non garanti].
A tous les niveaux, cet argumentaire est merdique :
En communication, on tape sur un ennemi admis (les banques, les assurances, les taxis etc.), jamais sur quelque chose que les gens adorent (ici le Livret A) ;
Les rĂ©gulateurs voient dâun trĂšs mauvais Ćil quâon tape sur un capital garanti pour vendre un produit risquĂ©, et ils ont raison ;
Le discours est trĂšs risquĂ© en cas de hausse de lâinflation et/ou du Livret A, parce quâil va se retourner contre le gĂ©rant. En lâespĂšce, quand les SCPI balançaient ce discours en distribuant Ă 4,44% et que le Livret A Ă©tait Ă 0,5%, ça avait du sens. Quand il affichait 3% et les SCPI 4,52% face Ă une inflation Ă prĂšs de 5%, le discours prend lâeau ;
Justement parce quâun rendement nâa aucun sens, et quâil faudrait toujours calculer la prime de risque, câest-Ă -dire le spread entre un taux garanti, et un taux risquĂ©.
3ïžâŁ Le logement social, un faux gagnant du systĂšme
Le logement social repose sur un Ă©quilibre fragile entre des besoins croissants et des financements contraints. En 2023, 2,7M de mĂ©nages Ă©taient en attente dâun logement social : +7,5% vs 2022. Pourtant, la production de logements sociaux a chutĂ© sous la barre des 100K logements par an depuis 2020, avec seulement 82K logements construits en 2023, soit un tiers de moins que lâobjectif initialement fixĂ© par lâĂtat. Il y a quelques jours, le gouvernement a fixĂ© cet objectif à ⊠100K8. Sâil est supĂ©rieur Ă ce qui a Ă©tĂ© produit ses derniĂšres annĂ©es, il correspond en rĂ©alitĂ© Ă ce qui Ă©tait fait avant la crise. Pas vraiment de grosses ambitionsâŠ
Depuis plusieurs années, les acteurs du secteur alertent sur un effondrement progressif de la production de logements sociaux. Plusieurs facteurs expliquent cette crise :
Hausse des taux dâintĂ©rĂȘt, augmentant le coĂ»t des emprunts des bailleurs sociaux.
Baisse des financements publics, notamment avec la réduction de loyer de solidarité (1,5G⏠/ an).
Explosion des coûts de construction : +30-40% depuis 2019.
Pression sur la rénovation énergétique : en 2023, 4,7G⏠ont été consacrés à la rénovation, contre seulement 9,6G⏠pour la construction.
Les bailleurs sociaux rĂ©clament une baisse du taux du Livret A pour allĂ©ger le coĂ»t de leurs emprunts et relancer la construction. En septembre 2024, lors du CongrĂšs HLM, Eric Lombard, alors Ă la tĂȘte de la CDC, plaidait pour cette rĂ©duction. Ironie de lâhistoire : dĂ©sormais ministre de lâĂconomie, il vient de la valider en fĂ©vrier 2025.
MalgrĂ© des tentatives de rĂ©formes, la situation reste critique. La Banque des Territoires9 estime que la production de logements sociaux pourrait rester bloquĂ©e sous la barre des 80K unitĂ©s par an pendant plusieurs annĂ©es. En Ăle-de-France, 836K demandes de logements sociaux Ă©taient en attente fin 2023, soit deux fois plus quâen 2010.
Face Ă cette crise, le gouvernement est sous pression pour agir rapidement. Sans mesures concrĂštes, les professionnels du logement social redoutent une aggravation du mal-logement et un ralentissement durable de la construction. Pas vraiment de quoi voir une prochaine sortie de crise⊠Dâautant que Macron nâa jamais Ă©tĂ© pro-immobilier (plusieurs gouvernements nâavaient mĂȘme pas de portefeuille du logement ; il a transformĂ© lâISF en IFI), que le RN comme LFI-EELV ne sont pas trĂšs fans des propriĂ©taires, ce qui ne va pas vraiment aller dans le sens dâun assouplissement du marchĂ©.
And so what?
Quel avenir peut-on prĂ©dire au Livret A, et Ă son utilisation ? Depuis des dĂ©cennies tout ça repose sur un Ă©quilibre fragile entre garantie pour lâĂ©pargnant, financement du logement social et intĂ©rĂȘts des banques. Mais face Ă lâaccumulation de lâĂ©pargne, Ă lâinefficacitĂ© du financement du logement et aux tensions budgĂ©taires, une rĂ©forme semble inĂ©vitable. Reste Ă savoir laquelle. En gros, on a 3 grandes pistes possibles.
âNe rien toucher
Le statu quo permettrait aux banques et Ă lâĂtat de continuer Ă bĂ©nĂ©ficier dâun systĂšme qui fonctionne (pour eux).
Le Livret A resterait attractif, liquide, faiblement rémunéré, et continuerait de financer le logement social et les collectivités.
Mais le modĂšle sâessouffle : la rentabilitĂ© du Fonds dâĂ©pargne baisse, et le logement social nâen voit pas les bĂ©nĂ©fices.
La question finira pas se reposer, mais pas aux personnes qui doivent dĂ©cider aujourdâhui.
đ·Mieux utiliser les fonds
RĂ©affecter lâĂ©pargne dormante vers des projets plus productifs, comme la transition Ă©nergĂ©tique ou les infrastructures stratĂ©giques. Et les candidats aux fonds sont nombreux. Depuis un an, on a plusieurs fois parler de lâutiliser pour la dĂ©fense (les armes, pas les tours dont personne ne veut).
Limiter le stock dâargent immobilisĂ© et amĂ©liorer la traçabilitĂ© des fonds.
ProblĂšme : ça suppose une refonte du Fonds dâĂ©pargne, et ni les banques ni la Caisse des DĂ©pĂŽts nâont envie quâon vienne bousculer leurs habitudes.
đĄHausse du taux ou taxation surprise
Augmenter la rĂ©munĂ©ration des Ă©pargnants pour compenser lâinflation⊠au grand dam de la Caisse des DĂ©pĂŽts et des banques, qui verraient le coĂ»t exploser alors mĂȘme quâelle galĂšre Ă avoir du rendement sur la totalitĂ© des dĂ©pĂŽts.
Taxer partiellement les intĂ©rĂȘts pour limiter les effets de rente et rĂ©cupĂ©rer une part du gĂąteau. Mais câest un peu « donner dâune main et reprendre de lâautre ».
Dans tous les cas, câest une bombe politique : toucher au Livret A, câest risquer une grogne massive des Ă©pargnants, et personne nâa envie du retour des Gilets Jaunes.
La Cour des comptes a dĂ©jĂ tirĂ© la sonnette dâalarme Ă plusieurs reprises. Elle pointe un paradoxe : alors que le Livret A capte des centaines de milliards, son efficacitĂ© en matiĂšre de financement public se dĂ©grade. Son dernier rapport, cinglant, dresse un constat sans appel qui rĂ©sume les points quâon a Ă©voquĂ© :
Un stock dâĂ©pargne sous-utilisĂ© : faute de demande pour des prĂȘts HLM, la Caisse des DĂ©pĂŽts se retrouve avec des milliards immobilisĂ©s, rĂ©munĂ©rĂ©s Ă un taux qui ne suit pas lâinflation.
Une dĂ©pendance aux taux bas : quand ils Ă©taient au plus bas, le Fonds dâĂ©pargne pouvait assurer une rentabilitĂ© acceptable. Aujourdâhui, la montĂ©e des taux complique sĂ©rieusement la donne.
Une transparence limitĂ©e : une partie de lâargent conservĂ© par les banques est censĂ©e financer les PME et la transition Ă©cologique⊠mais personne ne sait vraiment si câest le cas.
Un systÚme qui favorise les plus aisés : malgré son image populaire, le Livret A bénéficie surtout aux épargnants les plus fortunés. 30% des encours sont détenus par seulement 7% des comptes.
Autrement dit, lâargent est lĂ , mais il est mal rĂ©parti et mal utilisĂ©. Le problĂšme nâest pas tant le produit lui-mĂȘme, mais plutĂŽt lâincapacitĂ© Ă le faire Ă©voluer efficacement. Et pour ce faire, les sages ont proposĂ© sept pistes :
Modifier la gouvernance du Fonds dâĂ©pargne
LâidĂ©e serait dâamĂ©liorer la transparence et la traçabilitĂ© des fonds collectĂ©s via le Livret A. Aujourdâhui, la Caisse des DĂ©pĂŽts gĂšre ces encours avec peu de contrĂŽle externe. Une meilleure supervision permettrait dâĂ©viter que lâargent ne dorme inutilement.
Repenser le fléchage des financements
Actuellement, le Livret A finance principalement le logement social, mais une partie des fonds pourrait ĂȘtre redirigĂ©e vers dâautres besoins : infrastructures publiques, transition Ă©nergĂ©tique ou industries stratĂ©giques.
Réduire les avantages fiscaux
Le Livret A est exonĂ©rĂ© dâimpĂŽt, ce qui le rend attractif pour les Ă©pargnants⊠mais coĂ»te cher Ă lâĂtat. Une taxation partielle des intĂ©rĂȘts pourrait permettre de rĂ©cupĂ©rer une partie de cette manne et dâĂ©viter quâil ne devienne un produit de rente.
Revoir les plafonds dâĂ©pargne
Aujourdâhui, le plafond du Livret A est de 22,95KâŹ, mais en combinant avec dâautres livrets rĂ©glementĂ©s, certains Ă©pargnants parviennent Ă dĂ©passer largement ces montants. Limiter ces cumuls permettrait dâĂ©viter que les plus aisĂ©s en profitent excessivement.
Encadrer plus strictement lâusage des fonds par les banques
Les banques conservent une partie des dĂ©pĂŽts du Livret A, mais leur utilisation manque de clartĂ©. Un contrĂŽle plus strict Ă©viterait que ces fonds ne soient dĂ©tournĂ©s vers des placements plus rentables pour elles, au dĂ©triment de leur mission dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.
Décentraliser une partie des fonds gérés par la CDC
Aujourdâhui, prĂšs de 60 % des encours du Livret A sont gĂ©rĂ©s directement par la CDC. DĂ©lĂ©guer une partie aux banques pourrait leur permettre dâĂȘtre plus rĂ©actives dans lâattribution des prĂȘts et Ă©viter des blocages bureaucratiques.
Revoir le modĂšle de financement du logement social
Le principal objectif du Livret A est de financer les logements sociaux, mais avec la hausse des taux dâintĂ©rĂȘt, ce financement devient de moins en moins attractif. Il faudrait revoir les conditions des prĂȘts pour inciter les bailleurs Ă en profiter davantage.
PrĂšs de 3 ans aprĂšs, aucune nâa Ă©tĂ© suivie. Parce que si elles semblent pleines de bon sens, leur mise en Ćuvre est une autre histoire. Toute rĂ©forme du Livret A touche Ă un Ă©quilibre fragile entre lâĂ©pargne des mĂ©nages, les finances publiques et, comme on lâa vu, les intĂ©rĂȘts divergents des parties ;
Les banques freinent des quatre fers
Toute modification de la rĂ©partition des fonds ou de leur rĂ©munĂ©ration impacte directement leurs marges. Elles sâopposent donc systĂ©matiquement aux Ă©volutions qui rĂ©duiraient leur emprise sur cette manne financiĂšre. Leur lobby, la FBF10, est sans doute lâun des plus puissants en France.
LâĂtat hĂ©site Ă toucher Ă un produit aussi populaire
Une rĂ©forme trop brutale pourrait dĂ©clencher une levĂ©e de boucliers chez les Ă©pargnants, surtout en pĂ©riode dâinflation. Le risque politique est Ă©norme et personne nâa envie de prendre des risques pour un sujet qui, en plus, nâest pas clairement sur la table. Lâopposition, quelle quâelle soit, prendra clairement le sujet mĂ©diatiquement pour attaquer.
Le logement social manque déjà de financements
Toute réduction des fonds alloués au logement social aggraverait la crise du secteur, déjà sous pression avec des besoins en hausse et une production en berne.
Les épargnants sont attachés à leur bas de laine défiscalisé
Taxer le Livret A ou limiter les plafonds risquerait dâentraĂźner une fuite des dĂ©pĂŽts vers dâautres placements, ce qui pourrait fragiliser lâensemble du modĂšle. Indirectement, cela pourrait servir les intĂ©rĂȘts des banques, mais avoir les dĂ©pĂŽts dans leurs bilans est dĂ©jĂ une fin en soi.
âIl est urgent de ne rien faire
Au final, les gouvernements successifs prĂ©fĂšrent ajuster discrĂštement les paramĂštres du Livret A plutĂŽt que dâengager une vraie rĂ©forme, et le statu quo reste la solution la plus probable, mĂȘme si tout le monde sait quâil ne pourra pas tenir Ă©ternellement.
En rĂ©alitĂ©, le Livret A est Ă lâimage de pas mal dâautres sujets, dont lâimmobilier. On sait par exemple, quâon a plus de 2M de logements vides alors quâon dit subir une crise de lâoffre⊠tout simplement parce que les logements sont dans des zones peu attractives. Et plutĂŽt de dâavoir une vraie politique de dĂ©centralisation, on colle des rustines fiscales sur des jambes de bois pourries.
La raison, câest Ă©videmment⊠la dĂ©mocratie. Ou plus prĂ©cisĂ©ment notre systĂšme Ă©lectoral.
Chaque Ă©lu est lĂ pour 3 Ă 5 ans : il a donc un temps limitĂ© pour engager une politique et obtenir des rĂ©sultats. Mais une politique de dĂ©centralisation ou dâurbanisme Ă grande Ă©chelle a besoin dâune ou plusieurs dĂ©cennies. Entre-temps, la ville, la mĂ©tropole, les rĂ©gions et lâĂ©tat auront vu dĂ©filer des centaines dâautres Ă©lus, de couleurs diffĂ©rentes avec des intĂ©rĂȘts diffĂ©rents.
VoilĂ pourquoi il ne se passera sans doute rien pour lâĂ©pargne rĂ©glementĂ©e. Comme le systĂšme Ă©ducatif, la santĂ©, les retraites, lâassurance chĂŽmage ou le marchĂ© immobilier, le sujet va pourrir dans un coin. Avec dâun cĂŽtĂ© ceux qui vont devoir se dĂ©brouiller avec dans leur quotidien, isolĂ©s, et les autres qui vont continuer Ă marger tranquillement dessus en attendant la fin.
Puis un jour, comme tant dâautres avant lui, le Livret A implosera, le politique accusera ses prĂ©dĂ©cesseurs, et vu quâon sera incapable de rĂ©former sur la longueur, on prendra encore des mesures court-termistes qui nâont aucun sens mais qui permettent de faire croire que ça tiendra.
JusquâĂ lâimplosion suivante.
Je mâappelle Benjamin Charles, et je fais du conseil en branding, positionnement et crĂ©ation de contenus pour des entreprises de la finance, de lâimmobilier et du web3.
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Ils voulaient protĂ©ger l'ouvrier, Corinne Lhaik, LâExpress, 8 fĂ©vrier 1996
La Caisse d'Epargne, comédie vaudeville en 3 actes, Paris, Charles Desnoyer
Chiffres Banque de France
Ceux de 2024 ne sont pas encore connus précisément.
Série 001763852, pour les spécialistes
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