đ„ Morts pour un burger đ
Qui sont les 13 livreurs Uber et Deliveroo morts sur la route ?
Bonjour Ă tous,
Ils sâappelaient Jorge, Julien, Pablo, Maurizio, Luis, Alberto, JosĂ©, Kuan, Su, Ramiro, Artky, Armando, Iderval ou Pujan. Tous sont morts en travaillant pour Deliveroo, Uber Eats, Rappi, Globo, Yandex, Foodracers ou Caviar, alors quâils Ă©taient en livraison. Souvent lors dâun accident. Ou dâĂ©puisement, comme Artyk Orozaliyev le 16 avril 2019 Ă Saint-PĂ©tersbourg.
En France, les plateformes expliquent quâils sont indĂ©pendant. Quâils sont entrepreneurs. Chef dâentreprise. Quâils sont libres.
La rĂ©alitĂ©, câest que ce sont des travailleurs prĂ©caires, qui doivent gĂ©rer toutes leurs charges (de leur vĂ©lo Ă leurs dĂ©penses de santĂ©) sans aucune garantie de revenu, et qui nâauront pour seule rĂ©compense que les 5 Ă©toiles du Graal.
Lâautre rĂ©alitĂ©, en France, câest quâils sont majoritairement arabes, et noirs. Ce nâest pas un hasard. Ces travails sont pĂ©nibles et rares sont ceux, mĂȘme Ă©tudiants, qui veulent sây coller. Alors on y retrouve tout ceux qui sont Ă©cartĂ©s du marchĂ© de lâemploi, parfois sans diplĂŽme, parfois mĂȘme sans papiers. Parce que mĂȘme si les plateformes sâen dĂ©fendent, nombre de livreurs sous louent leurs applications en Ă©change dâune commission, Ă ceux qui nâont pas le droit de travailler en France.
Depuis des annĂ©es, en France et ailleurs, nombreux sont ceux qui luttent pour que ces livreurs puissent ĂȘtre salariĂ©s. Parce que le salariat, câest pas juste la prison grise que dĂ©crivent les quelques zozos qui LinkedIn qui expliquent gagner 10K⏠/ mois (en vendant des formations pour gagner 10K⏠/ mois). Câest aussi une protection pour les plus prĂ©caires, et ceux qui travaillent dans les conditions les plus difficiles.
Pendant plusieurs mois, jâai cherchĂ© des infos sur eux. Jâaurais pu parler des tĂ©moignages bouleversant de ceux qui ont arrĂȘtĂ© de travailler du jour au lendemain. De Karim F., qui a perdu 1 mois de revenu suite Ă un accident de VTC alors que sa voiture Ă©tait immobilisĂ©e en attendant un expert, et qui a du reprendre en urgence un emploi dans un fastfood. De Ali B., qui sâest fracturĂ© le tibia en tombant pendant une livraison un soir dâhiver, et raconte ĂȘtre restĂ© prĂšs dâune demi heure sous la pluie seul, tĂ©lĂ©phone brisĂ©, ayant du attendre quâun passant vienne lâaider. Faute de rééducation, il nâa jamais repris le vĂ©lo. Ni les livraisons.
Mais jâai choisi de parler de ceux qui ne pourront plus jamais monter sur un vĂ©lo, morts au champ dâhorreur pour une pizza ou un burger.
Je me suis plongĂ© dans les articles depuis janvier 2019, et sur les 16 livreurs morts au travail, jâai pu en retracer 13, grĂące aux services de police, aux parquets, aux avocats et parfois Ă leurs proches.
Treize destins qui pour la plupart se sont rĂ©sumĂ©s Ă quelques lignes dans une Ă©dition locale des faits divers, le plus souvent sans mĂȘme citer leur prĂ©nom.
Aucune enquĂȘte.
Aucune révélation.
Aucune interview poussée.
Juste treize destins stoppĂ©s nets sur le bitume dâune mĂ©tropole, pour un burger.
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Franck Page
18 ans, Uber Eats, Bordeaux, janvier 2019
Il y a ces jours d'hiver oĂč la lumiĂšre pĂąle de Bordeaux caresse les façades de pierre blonde. Ce jeudi 17 janvier 2019, peu aprĂšs midi, Franck Page enfourche son vĂ©lo, comme Ă son habitude. Le jeune homme de 18 ans, silhouette Ă©lancĂ©e et regard vif, pĂ©dale dans les rues de la ville qu'il dĂ©couvre encore. ArrivĂ© seulement quelques mois plus tĂŽt de Marmande, il est venu Ă Bordeaux pour Ă©tudier l'Ă©conomie Ă l'universitĂ©.
Originaire de CĂŽte d'Ivoire, Franck a posĂ© ses valises en France avec sa famille en 2002. Son parcours l'a conduit des bancs du lycĂ©e de Marmande, oĂč il a dĂ©crochĂ© un bac ES, jusqu'aux amphithéùtres de la facultĂ© bordelaise. Mais comme tant d'autres Ă©tudiants, la bourse ne suffit pas. Alors Franck pĂ©dale. Il livre des repas pour Uber Eats, statut auto-entrepreneur, un travail prĂ©caire mais qui permet de joindre les deux bouts.
Ce que ne racontent pas les rapports d'accident, c'est que sous le casque du livreur Ă vĂ©lo battait le cĆur d'un artiste. Dans son cercle d'amis, on ne l'appelait pas le "livreur", mais le "petit prodige du hip-hop". Au sein du groupe Animaniax Tribe, ses mouvements de break dance Ă©blouissaient. Son corps savait dessiner dans l'espace des figures que ses camarades admiraient. Une passion qui le dĂ©finissait bien plus que les courses alimentaires qu'il effectuait pour subsister.
Ce jour-lĂ , Ă Pessac, aux abords de la rocade bordelaise, Franck est arrĂȘtĂ© Ă un feu rouge sur l'avenue Antoine Becquerel, non loin de la bretelle d'entrĂ©e de l'A630, Ă l'Ă©changeur 14 Pessac Saige-Ladonne. Le ballet urbain des vĂ©hicules se poursuit autour de lui. Un poids lourd qui ne l'a pas vu le percute. Le corps du jeune danseur est traĂźnĂ© sur plusieurs centaines de mĂštres d'asphalte froid. Il ne dansera plus jamais.
Le chauffeur du camion, un homme de 47 ans originaire de Gironde, ne s'est rendu compte de rien. Il poursuit sa route jusqu'Ă l'entrĂ©e de la rocade avant de s'arrĂȘter. Lorsqu'il comprend ce qui vient de se produire, il est en Ă©tat de choc. On le transporte au centre hospitalier Charles Perrens. Pour Franck, il est dĂ©jĂ trop tard.
« C'est un mort de trop », dira plus tard son pĂšre Alexandre, avec la dignitĂ© des parents qui doivent enterrer leur enfant. « On veut montrer Ă Uber qu'on est lĂ . Jusqu'Ă maintenant, ils ne m'ont pas contactĂ©. Alors je me permets de venir vers eux. Je ne m'attendais pas Ă ce silence. Je pensais au moins qu'ils allaient compatir un peu au deuil. MĂȘme pas. »
Uber Eats finira par rĂ©agir dans un communiquĂ© : « C'est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris le dĂ©cĂšs du coursier. Nos pensĂ©es vont Ă ses proches et Ă sa famille. » La plateforme affirme ĂȘtre « en contact avec la famille afin de les assister dans leurs dĂ©marches avec AXA en respectant leurs souhaits et avec les autoritĂ©s afin de les assister dans leur enquĂȘte. » Elle proposera de couvrir les frais d'obsĂšques Ă hauteur de 1 500 euros et de verser Ă la famille une somme Ă©valuĂ©e Ă partir du chiffre d'affaires rĂ©alisĂ© par le jeune homme. Mais pour l'entreprise, il s'agit d'un dramatique accident de la route, pas d'un accident du travail.
La mort de Franck soulĂšve alors des questions qui dĂ©passent le simple accident. « Il Ă©tait quand mĂȘme prĂšs d'une entrĂ©e d'autoroute, il n'aurait jamais dĂ» ĂȘtre lĂ ! », s'indignera Edouard Bernasse du Collectif des livreurs autonomes de Paris. Uber Eats, l'application jugĂ©e par beaucoup de livreurs comme « la pire de toutes », envoie ses coursiers loin de leur zone de livraison habituelle, sans considĂ©ration pour les risques encourus. « Je ne comprends pas qu'un tel systĂšme puisse exister : faire de l'argent en faisant prendre tous ces risques, c'est inadmissible. Mon fils est une victime de l'uberisation, une victime de trop », dira encore Alexandre Page.
Arthur Hay, secrétaire du syndicat CGT des coursiers à vélo de la Gironde, ne cache pas sa colÚre : « Si tu respectes le code de la route, tu ne t'en sors pas. » Il pointe l'absence de formation aux rÚgles de sécurité et la rémunération à la course qui pousse à aller toujours plus vite. « Lorsqu'on paye les gens à la course, cela entraßne plus de pression, il faut aller toujours plus vite, c'est donc générateur d'accidents⊠»
La police nationale lance un appel Ă tĂ©moins dĂšs le lendemain du drame. L'enquĂȘte est confiĂ©e Ă la brigade des accidents et des dĂ©lits routiers du commissariat central de Bordeaux. Pendant ce temps, le Collectif des livreurs autonomes parisiens (Clap) rĂ©agit sur Twitter : « Nous regrettons que depuis le temps que nous alertons sur les dangers de notre statut et du salaire Ă la course, rien de sĂ©rieux n'ait Ă©tĂ© mis en place pour garantir notre sĂ©curitĂ© sur la route. »
Dix jours plus tard, le dimanche 27 janvier, une centaine de personnes marchent dans les rues de Bordeaux, parfois sous une pluie battante. Le cortĂšge part de la place de la Victoire, emprunte le cours Pasteur, traverse la place Gambetta, descend la rue Sainte-Catherine. En tĂȘte, une grande banderole oĂč est Ă©crit « Hommage Ă Franck Page, Ă©tudiant dĂ©cĂ©dĂ© pendant une livraison Ă vĂ©lo », avec son visage souriant. Son pĂšre, Alexandre, la porte Ă bout de bras, digne malgrĂ© la douleur. Avec lui marchent des amis, des camarades de danse, des livreurs venus des quatre coins de France.
Certains livreurs prĂ©sents ne connaissaient pas Franck, mais se reconnaissent dans sa situation. « On s'est tous croisĂ©s un jour. Cela aurait pu ĂȘtre moi. J'aurais aimĂ© que l'on fasse une marche pour moi », confie Antoine, 20 ans, coursier Uber depuis quatre mois et prĂ©sent Ă la marche.
Place de la Bourse, le cortĂšge s'arrĂȘte devant une ironie cruelle : une publicitĂ© gĂ©ante d'Uber Eats proclamant « Faites-vous livrer lĂ oĂč la vie vous mĂšne ».
Karim Horn
19 ans, Uber Eats, Champs-sur-Marne, mai 2019
Le 24 mai 2019, alors qu'il venait d'achever une ultime livraison à Champs-sur-Marne pour Uber Eats et rentrait chez lui pour rompre le jeûne du ramadan chez lui, avenue du Gendarme Castermant à Chelles, Karim est violemment percuté par une voiture qui vient de grille un feu rouge à un carrefour prÚs de la gare RER Noisy-Champs. L'impact est terrible.
Une passante tĂ©moigne auprĂšs de la police, et indique avoir vu le conducteur, un homme de 25 ans habitant Champs-sur-Marne, s'arrĂȘter briĂšvement aprĂšs la collision. L'homme aurait mĂȘme reconnu avoir grillĂ© un feu rouge et exprimĂ© sa peur que la victime soit morte. MalgrĂ© les encouragements de cette tĂ©moin Ă rester sur place, il a finalement pris la fuite. "Il s'est avancĂ© un peu puis il est parti en courant en direction de sa voiture", raconte-t-elle.
Karim est encore conscient à l'arrivée des secours. Transporté à l'hÎpital Henri-Mondor de Créteil dans le Val-de-Marne, il est immédiatement opéré pour de multiples fractures. Les médecins le placent en coma artificiel pour lui épargner des souffrances. Mais son cerveau a été gravement endommagé lors de l'accident. Les médecins annoncent mardi soir à sa famille qu'il se trouve en état de mort cérébrale. Cinq jours aprÚs l'accident, le mercredi 29 mai, Karim Horn s'éteint aprÚs le débranchement des appareils qui le maintenaient artificiellement en vie.
Pendant ce temps, la police lance un appel Ă tĂ©moins pour retrouver le chauffard. C'est aprĂšs avoir appris l'Ă©tat de mort cĂ©rĂ©brale dans lequel se trouvait Karim que le conducteur finit par se rendre de lui-mĂȘme au commissariat de Noisiel le jeudi 30 mai, prĂšs d'une semaine aprĂšs l'accident. Mis en examen pour homicide involontaire aggravĂ© par dĂ©lit de fuite, il est placĂ© en dĂ©tention provisoire par un juge d'instruction du tribunal de Meaux.
InstallĂ© comme auto-entrepreneur depuis octobre 2017, Karim avait choisi cette activitĂ© avec dĂ©termination. "Il n'Ă©tait pas feignant", confie une cousine. DerriĂšre son statut de livreur se cachait un jeune homme "au grand cĆur", toujours prĂȘt Ă aider ses voisins pour du bricolage, "trĂšs dĂ©brouillard" selon ses proches. Il nourrissait, avec son meilleur ami, le projet d'ouvrir un garage automobile.
"Il aimait trĂšs fort sa famille", poursuit elle. Une famille nombreuse : sept frĂšres et sĆurs qui, avec ses parents, ont dĂ» affronter cette terrible Ă©preuve. C'est dans leur foi qu'ils ont puisĂ© la force nĂ©cessaire. Karim a Ă©tĂ© inhumĂ© le vendredi 31 mai 2019 dans le carrĂ© musulman du cimetiĂšre nouveau de Chelles, lors du 27e jour du ramadan. "C'est la nuit du destin, une des plus importantes de la fin du mois de ramadan. Nous y voyons tous un signe", confie sa cousine d'une voix empreinte de douceur.
âMon cousin aurait pardonnĂ© Ă cet automobiliste, qui va porter ce poids toute sa vie. Ce n'Ă©tait pas un homicide intentionnel. Dieu pardonne. Pourquoi les hommes ne le feraient-ils pas ?"
Le conducteur sera condamnĂ© en janvier 2022 Ă 3 ans de prison dont 2 ans assortis dâun sursis probatoire, et son permis a Ă©tĂ© annulĂ©.
Karim, lui, repose désormais à Chelles.
Youssef Amer
28 ans, Beauvais, 28 décembre 2019
Câest un samedi soir comme les autres dans les rues de Beauvais. Le 28 dĂ©cembre 2019, alors que la ville se prĂ©pare Ă cĂ©lĂ©brer la nouvelle annĂ©e, Youssef Amer sillonne les artĂšres de la prĂ©fecture de l'Oise sur son scooter. Livreur pour Uber Eats, il accomplit ce soir-lĂ l'une de ses nombreuses courses, transportant le repas d'un client rĂ©gulier du fastfood.
Vers 22 heures, Ă l'angle du boulevard Saint-Jean et de l'avenue Nelson-Mandela, Ă quelques pas du tribunal de Beauvais, la course de Youssef s'est brutalement arrĂȘtĂ©e. Son scooter est entre violemment en collision avec une voiture, heurtant cette derniĂšre au niveau de la portiĂšre. Le choc est si brutal que malgrĂ© l'intervention rapide des secours, il n'a pas pu ĂȘtre rĂ©animĂ© sur place.
Sur l'asphalte froid de ce carrefour réglé par des feux tricolores, les débris du drame restent visibles le lendemain : morceaux de plastique rouge, visiÚre de casque arrachée, fragments épars d'un deux-roues brisé. Des vestiges silencieux témoignant de la violence de l'impact.
Les circonstances exactes de l'accident demeurent incertaines, selon la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP).
« On sait qu'un véhicule automobile a été percuté par un scooter au niveau de la portiÚre, ce qui a conduit au décÚs du conducteur du deux-roues », indique la .
Une enquĂȘte de police a Ă©tĂ© ouverte immĂ©diatement. Des prĂ©lĂšvements ont Ă©tĂ© effectuĂ©s pour dĂ©pister toute trace Ă©ventuelle de drogue ou d'alcool sur le conducteur de la voiture, un Beauvaisien de 20 ans, placĂ© en garde Ă vue aprĂšs l'accident. Face aux zones d'ombre, les services de police ont lancĂ© un appel Ă tĂ©moins, cherchant d'Ă©ventuels « tĂ©moins oculaires » pour Ă©claircir les circonstances du drame.
Six ans aprĂšs, il nâa pas Ă©tĂ© possible de savoir sir les zones dâombres avaient Ă©tĂ© Ă©claircies.
Mourad Bouhichecha
24 ans, livreur Deliveroo, Mulhouse, 8 août 2019.
Le Rebberg. C'est là , sur les hauteurs de Mulhouse, que tout bascule ce 8 août 2019. Un jeune homme de 24 ans dévale à vélo le sentier du Chanteclair. Dans son dos, un sac cubique turquoise porte Deliveroo. Il est 14h30.
Mourad Bouhichecha ne le sait pas encore, mais cette course sera sa derniĂšre. Quelques instants plus tard, la roue dĂ©rape, le guidon chavire. Le choc est brutal, la tĂȘte heurte l'asphalte. Le traumatisme crĂąnien est grave. La vie d'un homme vient de basculer dans le quartier le plus huppĂ© de cette ville ouvriĂšre.
Un de ses collÚgues témoigne.
"Mourad, c'était le plus performant d'entre nous. Le plus apprécié aussi. Clients, restaurateurs, collÚgues... tout le monde l'aimait."
Son regard se voile quand il évoque celui qu'il connaissait depuis cinq ans.
Arrivé sur la plateforme Deliveroo à peine deux mois avant son accident, Mourad avait rapidement trouvé ses marques, quelques mois aprÚs avoir ouvert son autoentreprise.
Le jeune homme avait fait de la course contre la montre son quotidien. "Il avait eu quelques soucis et il faisait tout pour s'en sortir," confie Sullyvan1, qui préfÚre taire les détails. "Il travaillait, travaillait, travaillait." La répétition sonne comme le martÚlement d'une horloge implacable.
Pour comprendre le drame qui se joue ce jour d'août, il faut remonter quelques jours plus tÎt. Deliveroo vient de modifier sa grille tarifaire. Partout en France, les livreurs crient à la trahison : 30 à 50% de rémunération en moins selon leurs calculs. Les courses courtes, les plus rentables, sont désormais moins bien payées. L'entreprise britannique prétend valoriser les longues distances, celles que les livreurs évitent car peu lucratives.
La colĂšre gronde. Ă Paris, le collectif CLAP 75 organise des rassemblements. On parle de boycott, de grĂšve. Ă Mulhouse aussi, l'onde de choc se fait sentir.
"Depuis que les tarifs ont baissĂ©, il Ă©tait plus stressĂ©," tĂ©moigne Sullyvan, lui-mĂȘme victime de plusieurs chutes sans gravitĂ©. "Je ne dirais pas qu'il roulait dangereusement, mais il Ă©tait vraiment stressĂ©. Et quand on conduit dans cet Ă©tat, ça arrive forcĂ©ment qu'un livreur fasse un accident."
Le stress ne vient pas seulement des nouveaux tarifs. Deux jours avant sa chute, Mourad a dû patienter 56 minutes devant un restaurant. Une attente qui, dans ce métier payé à la course, représente une perte sÚche. "Deliveroo a des moyens pour forcer les restaurants à gérer leur temps d'attente," explique Sullyvan avec amertume. "On a le droit de refuser une commande, mais si on les refuse toutes, ça nous amÚne au final à ne plus faire aucune commande. Et ça, on ne peut pas se le permettre."
Prendre ou laisser. Accélérer ou s'appauvrir. Risquer sa vie ou perdre son gagne-pain. Tel est le dilemme quotidien des livreurs de l'économie des plateformes.
D'abord transportĂ© Ă l'hĂŽpital Ămile Muller de Mulhouse, Mourad est rapidement transfĂ©rĂ© au service de rĂ©animation de l'hĂŽpital Pasteur Ă Colmar. Son Ă©tat nĂ©cessite des soins spĂ©cialisĂ©s. Le coma, la paralysie des membres, les complications pulmonaires s'enchaĂźnent.
Pendant ce temps, la machine Deliveroo s'active sur le front de la communication. "C'est un terrible et tragique accident," déclare un porte-parole. L'entreprise promet de prendre en charge les frais médicaux, d'indemniser les journées d'hospitalisation, de verser des compensations pour les blessures. Des mots qui ne coûtent rien.
Leïla, une autre livreuse proche de Mourad, ne cache pas son scepticisme. "Ce métier est trÚs dur et je pense que l'on ne se rend pas compte de ce que l'on signe lorsque l'on remplit ce contrat de prestation de partenariat... Il n'y a rien derriÚre, pas de chÎmage, pas d'assurance. Nous sommes des indépendants à 100% en partenariat-prestation."
Contre toute attente, Mourad sort du coma. Un espoir fugace. Ses proches craignent qu'il ne reste paralysé à vie.
En mars 2020, alors que le monde entier commence Ă basculer dans la crise du Covid-19, les hĂŽpitaux de Mulhouse sont parmi les premiers submergĂ©s. Faute de place en rĂ©animation, Mourad est transfĂ©rĂ© au Centre de rĂ©adaptation de Mulhouse. Cinq jours plus tard, le 18 mars, son cĆur s'arrĂȘte. Sept mois aprĂšs sa chute, Mourad Bouhichecha s'Ă©teint Ă 24 ans.
La promesse de prise en charge des frais médicaux ? Jamais honorée, selon les témoignages recueillis par la presse. Sa famille n'aurait jamais reçu un centime.
Le jour de son enterrement, plusieurs livreurs ont formé une garde d'honneur silencieuse à l'entrée du cimetiÚre de Mulhouse. Leurs vélos alignés, leurs sacs de livraison posés à terre.
Dan Botu
31 ans, Clamart, septembre 2020
Dans la tiĂ©deur d'une soirĂ©e de septembre, alors que la ville de Clamart s'apprĂȘte Ă basculer dans la nuit, Dan Botu, 31 ans, effectue l'une de ses derniĂšres livraisons du jour. Son cyclomoteur file sur l'asphalte de l'avenue Charles-de-Gaulle, artĂšre Ă deux voies qui traverse la commune des Hauts-de-Seine. Comme chaque soir, il arpente les rues de la ville, sac isotherme sur le dos.
Ce mercredi 9 septembre 2020, vers 20 heures, le livreur tente un demi-tour Ă hauteur du 358 de l'avenue, prĂšs de La Poste. Une manĆuvre banale dans le quotidien des travailleurs, souvent contraints Ă l'urgence. Mais cette fois-ci, il perd lâĂ©quilibre et tombe de son deux-roues, sur la dĂ©partementale 306.
Dans la fraction de seconde qui a suivi, un motard, arrivant en sens inverse, n'a pu Ă©viter le corps Ă©tendu sur la chaussĂ©e. Le choc, d'une violence extrĂȘme, a Ă©tĂ© fatal. Atteint Ă la tĂȘte, Dan n'a pu ĂȘtre rĂ©animĂ© malgrĂ© l'intervention rapide des secours. Il meurt officiellement le 11 septembre 2020, deux jours aprĂšs l'accident.
Les camĂ©ras de vidĂ©osurveillance de la ville ont capturĂ© ces instants tragiques, tĂ©moins silencieux dâune mort parmi dâautres. Les enquĂȘteurs ont pu Ă©tablir que ni l'alcool ni les stupĂ©fiants n'Ă©taient en cause dans cet accident. Juste la fatalitĂ© d'une chute, le hasard d'une prĂ©sence au mauvais endroit, au mauvais moment.
Le motard, lui aussi victime de cette tragédie routiÚre, a été hospitalisé avec plusieurs fractures, portant dans sa chair les stigmates de cette rencontre imprévisible.
DerriĂšre l'anonymat de ce "livreur Uber Eats" se cachait Dan Botu, un homme nĂ© le 10 octobre 1988, dont la vie s'est brutalement arrĂȘtĂ©e Ă l'Ăąge de 31 ans. Un visage parmi ces milliers de travailleurs qui parcourent quotidiennement nos villes, bravant les conditions mĂ©tĂ©orologiques, le trafic et la fatigue pour assurer un service devenu essentiel dans notre sociĂ©tĂ© contemporaine.
Son histoire n'a fait l'objet que de deux articles de presse, quelques lignes Ă peine dans Ouest-France et Actu Hauts-de-Seine. Un traitement mĂ©diatique aussi bref que sa derniĂšre course, reflet de l'anonymat dans lequel ces travailleurs exercent leur mĂ©tier, mĂȘme lorsque celui-ci leur coĂ»te la vie.
Dan Botu repose désormais au cimetiÚre du Parc de Clamart. Une sépulture qui redonne un nom, une identité à celui que les médias n'avaient décrit que comme un "livreur à vélo", un "travailleur", effaçant presque son humanité derriÚre sa fonction.
Rumel Ahmed
Rumel Ahmed, Paris, 4 mai 2021
Porte de la Chapelle, dans le 18Úme arrondissement de Paris. C'est là que s'est terminé le parcours de Rumel Ahmed, livreur à vélo pour Uber Eats, le mardi 4 mai 2021. à cet endroit précis, au 61 rue de la Chapelle, sa route a croisé celle d'un camion. Une collision fatale qui a mis fin à ses jours.
Rumel était l'un de ces nombreux livreurs qui fusent à travers les rue de la capitale, bravant le trafic dense et parfois chaotique de Paris pour apporter des repas en quelques minutes.
En ce jour de printemps, Rumel a été heurté par un camion dans des circonstances qui demeurent floues.
Le lundi 10 mai 2021, six jours aprĂšs le drame, une marche blanche a rassemblĂ© ceux qui souhaitaient honorer sa mĂ©moire. Partie du lieu de l'accident, rue de la Chapelle, la procession s'est dirigĂ©e vers la place de la RĂ©publique, symbole des luttes sociales parisiennes. Un dernier voyage symbolique pour celui dont les trajets quotidiens s'Ă©taient brutalement arrĂȘtĂ©s.
Emmanuel Adeoye dit "Chahi"
41 ans, livreur Uber Eats, Sotteville-lĂšs-Rouen, 6 mai 2021
Le 6 mai 2021, vers 20h45, Ă l'angle des rues François-Raspail et Victor-Hugo Ă Sotteville-lĂšs-Rouen, la vie d'Emmanuel Adeoye, surnommĂ© Chahi, s'est brutalement arrĂȘtĂ©e.
Ă 41 ans, cet homme originaire du Nigeria, mari et pĂšre de famille, est au beau milieu dâune soirĂ©e pluvieuse et froide, livrant un repas Ă vĂ©lo pour Uber Eats . AprĂšs avoir franchi un "cĂ©der le passage" sans le marquer, Ă un endroit oĂč la visibilitĂ© Ă©tait limitĂ©e, il a Ă©tĂ© percutĂ© par une Renault Twingo conduite par un jeune automobiliste de 21 ans qui roulait Ă 50 km/h dans une zone limitĂ©e Ă 30 km/h. MalgrĂ© une tentative d'Ă©vitement de la part du conducteur qui s'est dĂ©portĂ©, la collision fut inĂ©vitable. Ne portant pas de casque, Chahi est mort sur place malgrĂ© l'intervention rapide des secours. L'enquĂȘte a Ă©tĂ© confiĂ©e au groupe d'appui judiciaire de la police.
Dans le flot incessant des livraisons qui rythment nos villes, Chahi Ă©tait l'un de ces visages qu'on croise sans vraiment les voir. L'un de ces "invisibles" comme les a si justement nommĂ©s Alexis Vernier, Ă©lu de Sotteville-lĂšs-Rouen, qui s'est Ă©mu de cette disparition. Sans son intervention sur les rĂ©seaux sociaux au lendemain du drame, Chahi aurait peut-ĂȘtre rejoint les statistiques anonymes, ces accidents dont personne ne parle, ces vies sacrifiĂ©es sur l'autel de la commoditĂ©.
Car Chahi appartenait Ă cette armĂ©e grandissante de livreurs Ă vĂ©lo qui sillonnent nos rues. Ils Ă©taient quarante il y a trois ans dans la MĂ©tropole de Rouen. Ils sont huit cents aujourd'hui, entre 100 et 300 selon certaines estimations. Huit cents personnes qui, comme lui, risquent quotidiennement leur vie pour gagner la leur, dans un contexte oĂč le prix d'une livraison est passĂ© de 5⏠à 2 ou 3⏠pour les coursiers.
Sa disparition a laissé une compagne, deux enfants et un beau-fils dans le deuil et la précarité, comme l'a souligné Me Solenn Leprince, l'avocate des parties civiles.
"C'est trÚs compliqué pour la famille qui, qui plus est, ne vivait que grùce à ces revenus."
Ses collÚgues, dans un élan de solidarité, ont ouvert une cagnotte pour soutenir cette famille brutalement privée de son pilier.
Sa mort a provoqué une véritable onde de choc. Le 20 mai 2021, des élus de la métropole de Rouen, rejoints par des élus écologistes dont David Cormand, Yannick Jadot, Eric Piolle et Mounir Satouri, ont publié une tribune dans le quotidien "Le Monde"2. Ce texte collectif exige des plateformes de livraison qu'elles assument leurs responsabilités envers leurs livreurs, exigeant notamment "des contrats de travail" et "la dotation en accessoires de sécurité nécessaires (casque, lumiÚres, rétros, sonnette, manteau réfléchissant, etc.)".
En mars 2022, lors du procÚs de l'automobiliste, on apprenait que depuis trois ans, 11 livreurs à vélo étaient décédés sur les routes françaises "juste pour livrer plus rapidement des repas à domicile". Les élus de la métropole évoquaient alors un "fait de société qui risque de se répéter" et dénonçaient un "systÚme adopté par les plateformes [qui] aboutit à la mise en danger des coursiers".
Depuis la tribune, aucun des Ă©lus nâa portĂ© la moindre loi visant Ă protĂ©ger les livreurs.
Romain Lambert
31 ans, Strasbourg, 28 septembre 2021
Dans la lumiÚre d'un mardi de septembre, rue de la Minoterie, le soleil caresse les façades du Port-du-Rhin. Il est 15h10. Romain Lambert enfourche son vélo, le courrier de ses clients soigneusement rangé dans sa sacoche. Ce n'est qu'une course parmi d'autres pour ce fils de Strasbourg, une course comme les milliers d'autres qu'il a effectuées depuis quatre ans. Mais ce sera la derniÚre.
Le vĂ©lo de Romain dĂ©bouche de l'entrĂ©e d'une entreprise. Il ne prend pas la direction de la sortie, emprunte Ă contresens l'accĂšs Ă l'entrĂ©e, ne marque pas l'arrĂȘt au stop. La Mercedes de Valmir B., lancĂ©e Ă une vitesse excessive, le percute. Le choc est brutal, dĂ©finitif. Romain meurt sur le coup.
Son sourire s'est éteint ce jour-là , mais ceux qui l'ont connu en gardent l'empreinte lumineuse. Attachant, un brin taquin, généreux de cette bienveillance qui semblait couler en lui comme une évidence. Romain était de ces personnes qui, sans fracas, rendaient le monde meilleur par leur simple présence.
"C'est un boulot qu'il aimait beaucoup faire et il s'entendait bien avec ses patrons," confie Marine Stieber, sa compagne, les yeux rivés sur ce vide qui, depuis, ne se comble pas3. L'amour du métier, chez Romain, n'était pas une formule creuse. Ancien élÚve du lycée Ort, ce Strasbourgeois de naissance avait tracé son chemin avec une cohérence qui lui ressemblait.
AprĂšs ses dĂ©buts chez Deliveroo en 2017, il avait choisi de rejoindre Tomahawk Bike Messenger, l'une de ces rares entreprises qui salarient leurs coursiers. Comme si, dans ce monde de la livraison Ă deux roues oĂč tout va toujours plus vite, Romain avait cherchĂ© Ă ancrer sa passion dans un cadre plus stable, plus juste peut-ĂȘtre.
Sa gĂ©nĂ©rositĂ© ne s'arrĂȘtait pas aux portes de son travail. Il avait participĂ© Ă la naissance de l'association Les VĂ©los du cĆur, tissant ainsi des fils de solidaritĂ© dans le bitume strasbourgeois. Pour Romain, chaque coup de pĂ©dale Ă©tait aussi un acte d'engagement.
Dans la salle d'audience oĂč, presque un an aprĂšs sa mort, a Ă©tĂ© jugĂ© le conducteur qui l'a percutĂ©, sa mĂšre a cherchĂ© des mots. Comment dire l'absence d'un fils ? Comment dĂ©crire ce trou noir qui, soudain, aspire toute la lumiĂšre d'une vie ? Dans ses sanglots, on entendait l'Ă©cho de cette injustice: jusqu'Ă ce 28 septembre, aucun cycliste n'avait perdu la vie Ă Strasbourg cette annĂ©e-lĂ .
Le tribunal a tranché: 15 mois de prison avec sursis pour Valmir B., reconnu responsable de l'accident à 50%. Romain n'avait pas marqué le stop. L'autre roulait trop vite. Entre ces deux instants d'inattention s'est engouffrée la mort.
Au Port-du-Rhin, Ă l'endroit oĂč Romain a effectuĂ© sa derniĂšre livraison, rien ne signale la tragĂ©die qui s'y est jouĂ©e. Les camions continuent de passer, indiffĂ©rents. Les voitures filent, pressĂ©es. Parfois, un cycliste ralentit, comme par intuition.
Kevin Monard
31 ans, Lille, octobre 2021
Au beau milieu de la nuit lilloise, alors que la ville dormait, Kevin Monard, un homme de 31 ans, roule encore dans les rues du quartier Vauban. Ă ses cĂŽtĂ©s, son fidĂšle compagnon de route : un sac de livraison Uber Eats. Cette nuit du 25 au 26 octobre 2021 devait ĂȘtre comme les autres pour ce livreur trentenaire, nĂ© Ă Lille le 20 juin 1990, enchaĂźnant les courses pour gagner sa vie.
Il Ă©tait environ 2h50 du matin. Au carrefour Ă feux reliant Vauban au quartier des Bois-Blancs, place Leroux-de-Fauquemont, Ă l'angle de la rue de Turenne et du boulevard de la Moselle, son petit scooter Peugeot Vivacity a Ă©tĂ© violemment percutĂ© Ă grande vitesse par une Audi A3. Le choc a Ă©tĂ© d'une brutalitĂ© telle que Kevin est tombĂ© en arrĂȘt cardio-respiratoire. MalgrĂ© l'intervention des pompiers et du Samu qui ont tentĂ© de le ranimer pendant prĂšs d'une heure, il n'a pas survĂ©cu, dĂ©cĂ©dant sur place, en direction de la station Total.
Le conducteur de la voiture, un mineur de 17 ans dĂ©jĂ connu des services de police pour des faits de conduite sans permis, a pris la fuite aprĂšs l'accident, abandonnant l'Audi A3 accidentĂ©e quelques rues plus loin, avec des traces de choc visibles. L'enquĂȘte a rĂ©vĂ©lĂ© que le jeune avait pris les clĂ©s de la voiture louĂ©e par son pĂšre. Le pĂšre et le fils ont Ă©tĂ© interpellĂ©s le mardi soir suivant. Si le pĂšre a Ă©tĂ© rapidement libĂ©rĂ©, son fils a Ă©tĂ© placĂ© en garde Ă vue. AprĂšs avoir Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© Ă un magistrat et mis en examen et placĂ© en dĂ©tention dans un Ă©tablissement pĂ©nitentiaire pour mineurs de la rĂ©gion.
Aucun témoin n'a assisté à l'accident.
C'est une patrouille de police qui a dĂ©couvert le corps du livreur, seul sur la chaussĂ©e. Sur place gisait son scooter fracassĂ©, des dĂ©bris Ă©parpillĂ©s, et ce sac Uber Eats qui posait question : Ă©tait-il en service cette nuit-lĂ ? La sociĂ©tĂ© a contactĂ© les autoritĂ©s pour proposer son assistance. « Ă ce stade, nous ne pouvons pas confirmer qu'il s'agit d'un livreur inscrit sur Uber Eats, ni qu'il effectuait une livraison », a indiquĂ© Uber-France dĂšs le mardi soir suivant le drame. La sociĂ©tĂ© a ensuite commencĂ© Ă rĂ©aliser de son cĂŽtĂ© l'analyse des donnĂ©es informatiques « concernant les activitĂ©s de livraison Ă proximitĂ© du lieu de l'accident et Ă l'horaire approximatif mentionnĂ© pour tenter d'identifier de potentiels tĂ©moins ou la victime ». Un policier observait : « Dans ce type d'activitĂ©, on a parfois plusieurs livreurs qui se partagent le mĂȘme compte (officieusement), sur lequel ils tournent quasi 24h sur 24 ».
LâenquĂȘte dĂ©montrera quâil Ă©tait bien en service, mais personne nâa su donner les suites du dissuer.
DerriĂšre le sac isotherme Uber Eats retrouvĂ© sur les lieux de l'accident, il y avait un homme, avec ses rĂȘves, ses espoirs et sa vie. Kevin Monard, nĂ© le 20 juin 1990 Ă Lille, dont le dernier trajet s'est terminĂ© sur une place de sa ville natale, par une nuit d'octobre 2021.
Aymane Legliti
19 ans, Montpellier, octobre 2021
Dans la nuit du 12 octobre 2021, alors que Montpellier s'Ă©veillait aux lumiĂšres du soir, Aymane Legliti parcoure les rues de la ville sur son scooter, avec lâĂ©ternel sac isotherme sur le dos. NĂ© le 27 dĂ©cembre 2001, ce jeune livreur de 19 ans n'avait qu'une vingtaine de jours Ă vivre avant de fĂȘter ses 20 ans. Quâil ne fĂȘtera jamais.
Ce soir-lĂ , vers 21h30, il circule sur l'avenue de Palavas en direction des PrĂšs-d'ArĂšnes, l'une de ces artĂšres qui relient les quartiers pĂ©riphĂ©riques au cĆur battant de Montpellier. Il porte les couleurs d'une "des enseignes connues" de livraison de repas Ă domicile, l'un de ces logos devenus si familiers dans le paysage urbain, dont personne ne rĂ©vĂšlera le nom. Une chance sur deux.
Au mĂȘme moment, une Mercedes conduite par un MontpelliĂ©rain de 53 ans arrive en face. Ă l'intersection avec la rue FrĂ©dĂ©ric FabrĂšges, le conducteur tourne Ă gauche. Le jeune livreur ne peut Ă©viter la collision.
Les secours transporte Aymane dans un "état désespéré" au département anesthésie réanimation du CHU de Montpellier. Pendant trois jours, entre la vie et la mort, il a lutté. Mais le vendredi 15 octobre 2021, Aymane a succombé à ses blessures.
Le conducteur de la Mercedes fait depuis l'objet d'une procédure pour "homicide involontaire par imprudence" auprÚs de la brigade des accidents du commissariat central de Montpellier.
Il sera condamné à quelques mois avec sursis.
Faël Talbi
16 ans, Deliveroo, Lille, janvier 2022
Dans le froid de janvier 2022, les rues de Lille s'illuminent déjà alors que la nuit tombe. Parmi les silhouettes qui se pressent, celle de Faël Talbi, 16 ans, se dessine sur son vélo. Le sac Deliveroo qu'il porte sur le dos n'est pas le sien : c'est celui d'un ami qu'il vient de récupérer. Un simple service, comme ceux qu'il rend souvent.
Dans les quartiers RĂ©sidence et HĂŽtel de Ville de Villeneuve-d'Ascq, FaĂ«l Ă©tait une figure familiĂšre. Cet adolescent au sourire communicatif allait bientĂŽt fĂȘter ses 17 ans. ĂlĂšve en section commerce au lycĂ©e Dynah-Derycke, il se dĂ©marquait par sa gĂ©nĂ©rositĂ©. « Une personne serviable, tout le temps disponible pour tout le monde, trĂšs sociable et qui aimait les gens », racontent un ami qui lâa bien connu. Ces mots reviennent comme un leitmotiv.
Son pĂšre, Benyounes Talbi, parle avec pudeur de ce fils qui vivait avec ses parents et son frĂšre aĂźnĂ© de 18 ans. Une habitante du quartier « le considĂ©rait comme son fils », tĂ©moignage vibrant des liens qu'il avait su tisser autour de lui. Garçon sans histoire, il Ă©tait de ceux qui laissent une empreinte discrĂšte mais profonde dans le cĆur des gens.
Ses amis évoquent un garçon « souriant, joyeux, toujours motivé », un adolescent plein de vie qui, selon eux, « ne méritait pas ce qui lui est arrivé ». Des mots simples qui traduisent l'incompréhension face à la brutalité du destin.
Le soir du 11 janvier 2022, peu avant 19h, Faël pédale dans la rue Saint-Armand à Lille-Fives. Le froid pince, la circulation est dense sur cet axe qui relie Villeneuve d'Ascq à Lille. Le jeune homme ne travaille pas pour Deliveroo - il est trop jeune pour cela. Il rend service à un ami livreur qui s'est fait voler son sac. Il lui rapporte simplement un sac de rechange.
Ce secteur, prÚs du pont de Tournai, est connu des cyclistes locaux pour sa dangerosité. François Loiseau, de l'association Droit au Vélo, le qualifiera plus tard de « point noir » pour la circulation cycliste. Chaque matin, pourtant, 400 cyclistes s'y aventurent entre 8h et 9h. à cette heure-là , en ce début de soirée, le trafic est encore important.
C'est lĂ que tout bascule. Un semi-remorque, arrĂȘtĂ© au feu rouge dans une file de voitures, redĂ©marre quand le feu passe au vert. Le chauffeur, roulant Ă petite vitesse, ne voit pas FaĂ«l qui se trouve sur le cĂŽtĂ© droit de la cabine. Le choc est inĂ©vitable.
Des riverains, alertés par le bruit, accourent. Ils trouvent le jeune homme à terre, déjà gravement blessé. Ils restent à ses cÎtés, impuissants témoins de ces minutes cruciales. Les pompiers de la caserne Lille-Bouvines arrivent rapidement, suivis d'une équipe du SAMU. Malgré leurs efforts pour le réanimer, Faël succombe à ses blessures.
La scĂšne est d'une violence silencieuse : le vĂ©lo de l'adolescent est coincĂ© entre le pare-choc et le sol, Ă l'avant du camion. Un mĂštre derriĂšre la remorque, le corps est recouvert d'un drap blanc. La vie de FaĂ«l s'est arrĂȘtĂ©e lĂ , Ă l'angle d'une rue ordinaire, par un soir ordinaire de janvier.
La nouvelle de la mort de Faël se répand rapidement dans Villeneuve-d'Ascq. Dans les quartiers qu'il arpentait quotidiennement, l'incrédulité fait place à la douleur. Sa mÚre, « trÚs affectée » selon les mots sobres de son pÚre, peine à accepter cette réalité brutale.
à son lycée, ses camarades sont sous le choc. « C'est un ami qui m'a appelé au téléphone, c'est chamboulant », témoigne l'un d'entre eux. Personne ne comprend comment un garçon si jeune, si plein d'avenir, a pu disparaßtre si soudainement.
La prĂ©sence d'un sac Deliveroo sur son dos intrigue les enquĂȘteurs. La plateforme prĂ©cise rapidement qu'il ne s'agit pas d'un de leurs livreurs officiels, qu'elle ne travaille qu'avec des personnes majeures. « DĂšs que nous avons appris la nouvelle, nous avons pris attache avec les enquĂȘteurs pour nous mettre Ă leur disposition et proposer notre aide », dĂ©clare Damien StĂ©ffan, porte-parole de l'entreprise.
Le chauffeur du camion, placĂ© en garde Ă vue dans le cadre d'une procĂ©dure pour homicide involontaire, est libĂ©rĂ© le lendemain. Il explique aux enquĂȘteurs qu'il Ă©tait Ă l'arrĂȘt au feu rouge dans une file de voitures quand il a redĂ©marrĂ© Ă petite vitesse, sans voir le cycliste sur le cĂŽtĂ© droit de sa cabine. L'enquĂȘte se poursuivra pour « dĂ©finir les circonstances prĂ©cises » de l'accident, sans que le parquet ne puisse donner les suites.
Deux jours aprÚs l'accident, le jeudi 13 janvier, un rassemblement est organisé rue Jean-Baptiste-Lully à Villeneuve-d'Ascq. La famille de Faël, ses proches et ses amis s'y retrouvent pour un moment de recueillement. Une veillée chez celle qui « le considérait comme son fils », avant les adieux officiels.
Le lendemain, à la mi-journée, une priÚre est organisée à la mosquée de Villeneuve-d'Ascq. Faël est ensuite enterré au carré musulman du cimetiÚre de Lille-sud. Sur sa tombe, les fleurs et les messages témoignent de l'affection qu'on lui portait.
Le mĂȘme jour, au crĂ©puscule, l'association Droit au VĂ©lo organise un hommage silencieux sur les lieux de l'accident. Au bout du pont de Tournai, cĂŽtĂ© Hellemmes, ils sont nombreux Ă se rĂ©unir. Pas de banderoles, pas de slogans, juste des gilets et des brassards fluorescents pour ĂȘtre vus. Un moment de dignitĂ© et de silence pour un garçon qui n'aura jamais ses 17 ans.
Sur les lieux de l'accident, des bouquets de fleurs s'accumulent. Parmi eux, un message signĂ© Amin accompagnĂ© de cĆurs : « Qu'Allah t'accorde le paradis ».
Sultan Zebran
38 ans, Uber Eats, Bruxelles, février 2023
Dans les rues de Bruxelles, Sultan Zadran livrait des repas, traversait les quartiers, affrontait la pluie et le froid, avant de disparaĂźtre Ă nouveau dans le flux urbain. Ce jeudi 2 fĂ©vrier 2023, Ă 16h24, sa course s'est brutalement arrĂȘtĂ©e au carrefour des boulevards Albert II et Simon Bolivar, prĂšs de la gare du Nord. Il avait 38 ans.
L'histoire de Sultan commence loin de là , dans les montagnes d'Afghanistan. Fuyant un pays meurtri par des décennies de guerre et le retour des Talibans, il avait trouvé refuge en Belgique dix ans plus tÎt. Dans un petit appartement de Saint-Gilles, il avait reconstruit un semblant de vie, à des milliers de kilomÚtres des siens.
Chaque jour, chaque course à vélo, chaque livraison était motivée par un objectif qui l'habitait tout entier : faire venir sa famille en Belgique. Sa femme et ses cinq enfants, réfugiés dans un camp au Pakistan, attendaient que les procédures de regroupement familial aboutissent enfin. Au moment du drame, il touchait au but. Son épouse, enceinte de leur sixiÚme enfant, allait bientÎt le rejoindre avec toute la famille. Ce bébé, né durant l'été 2023, ne connaßtra jamais son pÚre. Il porte aujourd'hui son prénom, Sultan, en hommage à l'homme qu'il n'a pas eu le temps de rencontrer.
Le soir, quand il ne livrait pas, Sultan troquait son vĂ©lo contre une batte de cricket. Ce sport, passion nationale en Afghanistan, Ă©tait devenu son ancrage dans sa nouvelle vie. Co-fondateur du Brussels Warriors Cricket Club, il avait menĂ© son Ă©quipe de la troisiĂšme Ă la deuxiĂšme division belge. Les terrains d'entraĂźnement Ă©taient son autre maison, oĂč les jeunes joueurs qu'il entraĂźnait voyaient en lui bien plus qu'un coach. "Un homme avec un grand cĆur", disent ceux qui l'ont connu.
Ce jeudi de fĂ©vrier, le ciel est bas sur Bruxelles. Sultan est Ă l'arrĂȘt au feu rouge, sur sa piste cyclable, Ă cĂŽtĂ© d'un imposant bus touristique Flixbus. Une scĂšne banale du quotidien urbain. Le feu passe au vert. Le bus redĂ©marre et tourne Ă droite. Le chauffeur ne voit pas le cycliste. Dans son angle mort, Sultan disparaĂźt.
Le choc est violent. Le livreur se retrouve coincé sous les roues du véhicule. Des passants alertent les secours. Les pompiers arrivent rapidement et doivent déployer des moyens importants pour le dégager : ils scient son vélo, soulÚvent l'arriÚre du bus. Sultan est encore conscient, il hurle de douleur. Transporté en urgence à la clinique Saint-Jean toute proche, il succombe peu aprÚs à ses blessures.
Le bus qui l'a percuté n'était équipé que de deux rétroviseurs, bien que séparés en deux miroirs selon la société Flixbus. La plupart des autres véhicules de ce type en possÚdent quatre, précisément pour réduire ces angles morts qui transforment les rues en piÚges mortels. Mais la loi belge n'impose pas cette sécurité supplémentaire.
Le carrefour oĂč Sultan a perdu la vie Ă©tait connu pour sa dangerositĂ©. Un projet de piste cyclable sĂ©curisĂ©e avait mĂȘme Ă©tĂ© Ă©laborĂ© sous la prĂ©cĂ©dente lĂ©gislature, avant d'ĂȘtre abandonnĂ© car jugĂ© inutile par la commune de Schaerbeek. Il aura fallu la mort d'un homme pour que des potelets de protection soient finalement installĂ©s trois mois plus tard.
Dans les jours qui suivent, ses coéquipiers du club de cricket lancent une collecte. L'objectif : soutenir financiÚrement sa famille désormais privée de son unique source de revenus. Plus de 11 000 euros sont rassemblés, une goutte d'eau face à la détresse d'une veuve et de six orphelins restés au Pakistan.
Fin septembre 2023, le verdict tombe comme un couperet : le parquet de Bruxelles classe l'affaire sans suite. Le chauffeur du bus, testé négatif à l'alcool et aux drogues, n'a pas commis d'infraction. La société Flixbus respectait les normes légales. Uber Eats n'est pas juridiquement responsable de l'accident. Personne ne sera poursuivi.
"C'est choquant", réagit Haroon Munir Ud Din, cousin éloigné de Sultan. "Nous voulions un procÚs. Sultan était l'unique source de revenus pour sa famille. Elle dépendait totalement de lui." Un procÚs aurait pu aboutir à une indemnisation pour cette famille désormais sans ressources.
Uber Eats avait promis une "aide financiÚre" - pas une indemnisation, nuance qui reflÚte l'absence de reconnaissance d'une quelconque responsabilité. Mais selon les proches de Sultan, neuf mois aprÚs sa mort, cette aide n'était toujours pas parvenue à sa famille. Interrogée, la plateforme affirmait "collaborer avec les parties concernées pour finaliser le paiement dans les plus brefs délais".
Dans un camp de rĂ©fugiĂ©s au Pakistan, six enfants grandissent sans leur pĂšre. L'aĂźnĂ© se souvient peut-ĂȘtre encore de sa voix au tĂ©lĂ©phone. Le plus jeune, qui porte son prĂ©nom, ne connaĂźtra de lui que des photos et des rĂ©cits.
Chafik Daouadi
45 ans, livreur Deliveroo, Lyon, avril 2023
La nuit du 4 au 5 avril 2023 ressemblait à tant d'autres pour Chafik Daouadi, livreur Deliveroo. Les quais du RhÎne, plus précisément le quai Jean-Moulin à hauteur de la rue Gentil, dans le 2e arrondissement de Lyon, étaient son territoire de travail. à cette heure tardive, vers 00h10, les rues moins encombrées permettent des trajets plus rapides, des courses plus nombreuses. Dans l'obscurité, son vélo glissait sur l'asphalte, sa silhouette à peine visible entre les lampadaires.
Né en 1977, Chafik avait 45 ans. Bien que son entreprise individuelle soit officiellement domiciliée dans le 6e arrondissement de Lyon, il était en réalité hébergé à la Cité de Lyon gérée par l'Armée du Salut, témoignage silencieux de la précarité qui touchait sa vie. Devenu auto-entrepreneur dans le secteur de la livraison en juin 2020 selon son immatriculation au registre du commerce, il avait fait de ce métier son gagne-pain quotidien, comme tant d'autres "forcenés du bitume" selon l'expression de Toufik, un autre livreur Deliveroo, encore sous le choc mais pas étonné par ce drame. Sa présence sur les routes lyonnaises cette nuit-là n'était pas le fruit du hasard, mais celui de la nécessité.
C'est sur ces mĂȘmes quais du RhĂŽne qu'il a rencontrĂ© son destin. Un choc brutal, soudain. Une collision avec une Mercedes AMG conduite par un Villeurbannais de 32 ans qui circulait en direction du sud. L'automobiliste, qui a dĂ©clarĂ© ĂȘtre passĂ© au feu vert, n'a pas vu le cycliste arrivant sur sa gauche et l'a violemment percutĂ©. Chafik Ă©tait en arrĂȘt cardiorespiratoire Ă l'arrivĂ©e des secours. MalgrĂ© 40 minutes de massage cardiaque, il n'a pas pu ĂȘtre rĂ©animĂ© et son dĂ©cĂšs a Ă©tĂ© constatĂ© sur les lieux mĂȘmes de l'accident.
Sans papiers sur lui, ce n'est que le lendemain qu'il a Ă©tĂ© formellement identifiĂ©. L'automobiliste, lui, s'est d'abord arrĂȘtĂ© aprĂšs la collision, puis a quittĂ© les lieux avant l'arrivĂ©e de la police, garant sa voiture Ă proximitĂ© pour partir Ă pied. Il s'est finalement prĂ©sentĂ© aux autoritĂ©s deux heures plus tard et a Ă©tĂ© placĂ© en garde Ă vue, avant d'ĂȘtre dĂ©fĂ©rĂ© en vue d'une ouverture d'information judiciaire. Sans que les suites nâaient pu ĂȘtre connue.
Un livreur Deliveroo entre la vie et la mort : « trĂšs stressĂ© » depuis que les tarifs ont baissĂ©, LâUnion, aout 2019
La derniÚre course à vélo de Romain Lambert, DNA, octobre 2021


Vous ne mentionnez aucun Ă©cart de taux de mortalitĂ© entre ces livreurs et le reste de la population. Or une rapide discussion avec Claude m' indique que ce taux , si on retient votre chiffre de 16 morts en France depuis 2019 sur les plateformes en question, est trĂšs probablement similaire ou mĂȘme infĂ©rieur (car ces chauffeurs ont plus d'expĂ©rience que la moyenne des conducteurs) au taux de mortalitĂ© routiĂšre standard...Â
Le seul fait que ces personnes soient décédées, aussi terrible que cela puisse paraßtre (surtout présenté comme vous le faites) n'est pas un probleme en soi. Ou alors il faut se révolter contre tous les accidents de la route! Cela ne devient un probleme que si le TAUX de mortalité est supérieur à la moyenne - mais vous ne dites rien sur ce taux...
Bref,votre papier fait un peu "journalisme Ă©motionnel" et semble fondamentalement manipulateur. J'ai d'ailleurs arrĂȘtĂ© de lire les portraits quand je me suis rendu compte que certains "chauffeurs" (Fael Tabi) n'Ă©taient mĂȘme pas de vĂ©ritables chauffeurs, mais juste des personnes rendant service Ă des amis, n ayant rien a voir ni avec les plateformes en question, ni avec le profil d' esclave que vous dĂ©crivez en introduction, et n'ayant donc rien Ă Â voir avec le sujet.Â
La rĂ©volution pour le plaisir de la rĂ©volution, c'est un peu vain...Â
Cordialement.
FB
Câest clair que câest une arnaque totale ces boulots, des auto entrepreneurs qui sont en fait du salariat dĂ©guisé⊠sans la protection en effet. Uber et cie ont trouvĂ© la bonne faille dans le systĂšme du droit du travail⊠pas de droits = marche ou crĂšve (pour le coup, mĂȘme au sens propre iciâŠ). Câest rĂ©voltant. Nous Ă©tions un pays en avance sur la protection des travailleurs, Ă la baseâŠ