đ„ Tump : Tarif(s) prĂ©fĂ©rentiel(s)
Quand la Maison Blanche mélange tarifs douaniers, tweets et profits personnels
Bonjour,
Jâavais initialement prĂ©vu de lâaffaire Harvest, puis jâai reçu au dernier moment des informations trĂšs prĂ©cises sur lâampleur de la fuite (que jâai racontĂ© ici rapidement) puis dans la foulĂ©e une mise en demeure du groupe (racontĂ©e ici). Et honnĂȘtement, yâen a pour des semaines Ă mesurer lâimportance des donnĂ©es.
Puis entre temps, Donald Trump est revenu sur ses tarifs douaniers, provoquant une hausse spectaculaire des bourses⊠et quelques mouvements suspects. Ce qui mâa rappellĂ© quelques notes que jâavais dĂ©jĂ prises il y a 2 mois.
Si Ă ce stade aucun dĂ©lit nâest clairement Ă©tabli, ça fait beaucoup de faisceaux qui sâaccumulent, et de mĂ©lange des genresâŠ
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Tweets & Tremblements
Le 2 avril 2025, Donald Trump annonçait depuis la roseraie de la Maison Blanche la mise en place de droits de douane drastiques contre 185 pays et territoires. Présentées comme des "tarifs réciproques", ces mesures prévoyaient un droit de douane universel de 10% sur toutes les importations à partir du 5 avril pour la majorité des biens (certains prenant effet dÚs le 4 avril), puis des taux spécifiques pour une soixantaine de pays considérés comme "contrevenants commerciaux" à compter du 9 avril (34% pour la Chine, 20% pour l'Union européenne, 24% pour le Japon, etc.).
Les consĂ©quences sur les marchĂ©s financiers ont Ă©tĂ© immĂ©diates et dĂ©vastatrices. Le lundi 7 avril, les places boursiĂšres mondiales se sont effondrĂ©es : -4,78% pour le CAC 40 Ă Paris, jusqu'Ă -13% pour le Hang Seng Ă Hong Kong, -8% pour le Nikkei au Japon. Sur la semaine, plusieurs indices majeurs ont perdu plus de 10% de leur valeur. Le marchĂ© obligataire amĂ©ricain, valeur refuge par excellence, a lui-mĂȘme Ă©tĂ© fortement chahutĂ©, comme on dit.
Puis, coup de théùtre le 9 avril : Trump annonce à 13h18 (heure de New York) une pause de 90 jours dans l'application de ses droits de douane pour tous les pays à l'exception de la Chine, pour laquelle ils grimpent au contraire à 125% (atteignant 145% au total avec les taxes déjà existantes selon les précisions apportées par la Maison Blanche le lendemain).
Les marchés rebondissent spectaculairement. Le 10 avril, les bourses européennes clÎturent en forte hausse (Paris +3,83%, Londres +3,04%, Francfort +4,53%). Tokyo s'envole de 9,12%, Séoul de 6,6%.
Jusque lĂ , bien que tout soit dĂ©jĂ Ă©trange, rien de trĂšs anormal. Mais au-delĂ de cette volatilitĂ© extrĂȘme, un phĂ©nomĂšne plus discret a eu lieu quelques minutes avant l'annonce de Trump...
Opération SPYlight
Le 9 avril 2025, les marchĂ©s financiers amĂ©ricains ont donc connu une journĂ©e explosive. Le SPY a bondi de plus de 7%, le Nasdaq s'est envolĂ©, et plusieurs options trĂšs spĂ©cifiques ont vu leur valeur multipliĂ©e par 20. Et pour bien comprendre le problĂšme, il faut reprendre lâhistorique.
đ Le premier signal : 9h37
Ă 9h37 heure de New York, Donald Trump publie un message laconique (ou pas) sur Truth Social :
THIS IS A GREAT TIME TO BUY!!! DJT
Un message à la tonalité familiÚre, trÚs trumpien. Mais cette fois, il va déclencher bien plus qu'un simple buzz politique : il précÚde une vague d'achats coordonnés sur les options les plus spéculatives de l'indice SPY1 et du QQQ2, les ETF phares du marché américain.
Entre 9H57 et 10H00 ET3, soit 20 minutes aprĂšs le post de Trump, les premiers ordres massifs tombent sur les options SPY 509C4, expirant le jour mĂȘme.
Volume : 30 483 contrats.
Prime initiale : ~1,85 $.
Une heure plus tard, elles valent 25 $ : x13,5 de la mise initiale à un instant donné, avec des variations intraminute allant jusqu'à x15.
MĂȘme scĂ©nario un peu plus tard pour d'autres options :
SPY 504C : 46 198 contrats ouverts entre 12H55 et 13H05 ET
QQQ 460C : 17 664 contrats avec un volume record Ă 13H10
SPY 600C : un impressionnant volume de 65 226 contrats, soit 37M$ de prime échangée... pour un strike à 600 $
Le point commun ? Toutes ont été ouvertes juste avant 13H18, heure à laquelle Trump publie une nouvelle annonce, cette fois officielle (diffusée sur Truth Social vers 13H18-13H20 selon les horodatages observés) : une pause de 90 jours sur les tarifs douaniers. Les marchés explosent. Les options aussi.
Données publiées par UnusualWhales
â±ïž Trop prĂ©cis pour ĂȘtre honnĂȘte
Les graphiques le confirment : les positions ont été ouvertes quelques minutes seulement avant l'annonce, avec une précision quasi chirurgicale. Aucun volume anormal n'a été détecté les jours précédents. L'Open Interest en hausse ou en baisse selon les strikes indique que ces positions étaient fraßches, concentrées, et ciblées.
Regardons les performances :
SPY 504C : x8 en moins d'une heure
QQQ 460C : x4 Ă x5
SPY 600C : x2, malgrĂ© un strike extrĂȘmement Ă©loignĂ©. Certains observateurs y voient possiblement une technique de camouflage, d'autres une couverture spĂ©culative. Mais le timing reste troublant.
đ§Ÿ Le SĂ©nat s'en mĂȘle
Le lendemain, des membres du Sénat américain adressent une lettre officielle à l'Office d'éthique gouvernementale et à la Maison-Blanche. L'objet : déterminer si le Président ou son entourage a délibérément informé des tiers de l'annonce tarifaire avant publication, permettant un enrichissement massif par délit d'initié.
Le problÚme est systémique : les annonces ont été faites sous l'IEEPA (International Emergency Economic Powers Act), un dispositif d'urgence qui permet au président d'agir unilatéralement, sans contrÎle ex ante. Autrement dit, personne ne peut vérifier ni bloquer l'information avant sa diffusion publique.
Who the fuck is DJT ?
L'affaire des options cache un autre scandale potentiel, moins visible mais tout aussi troublant. Le fameux message du 9 avril Ă 9H37 sur Truth Social pourrait avoir une deuxiĂšme lecture.
THIS IS A GREAT TIME TO BUY!!! DJT
Trois lettres. Une phrase. Un choc.
"DJT" n'est pas seulement les initiales du président. C'est aussi le ticker boursier de sa propre entreprise : Trump Media & Technology Group, la société mÚre de Truth Social. Et les conséquences de ce simple post ont été immédiates :
Le titre est passé de 16$ à 18$ en quelques minutes
Il a atteint ensuite 22$ dans la journée
Le volume de transactions a explosé, passant de 3,3K à 134K trades en 5 minutes
Ă premiĂšre vue, aucun texte n'interdit Ă un prĂ©sident de promouvoir publiquement un actif qu'il dĂ©tient. Mais en pratique, la question de la manipulation de marchĂ© ou du devoir fiduciaire en conflit d'intĂ©rĂȘt reste largement non tranchĂ©e pour un chef d'Ătat, en tout cas aux USA. Surtout depuis quâElon Musk rode dans les couloirs du pouvoir, proche de tous les rĂ©gulateurs de ses business, ou que Donald Trump rĂšgle ses comptes avec tout ceux qui nâont pas Ă©tĂ© dans son sens.
Le message "BUY DJT" prend alors une dimension vertigineuse : ce n'est plus une simple punchline populiste, mais potentiellement un distributeur automatique de cash pour ceux qui savent lire entre les lignes. Certains y ont vu une consigne pour acheter son action. D'autres, un signal codĂ© annonçant une surprise macro imminente. Les plus complotistes pourraient mĂȘme y voir une maniĂšre dâanĂ©antir toute critique de dĂ©lit dâinitié⊠puisque lâinformation Ă©tait publique.
Dans l'économie de 2025, la parole vaut action. Un président qui détient une entreprise cotée peut littéralement faire monter son cours par tweet interposé.
Ce n'est plus seulement de l'abus de pouvoir. C'est un modÚle économique.
Dans un contexte normal, ce type de publication serait considéré comme une tentative de manipulation de cours si elle venait d'un CEO classique. Mais ici, seule la fonction présidentielle semble le protéger du cadre réglementaire habituel de la SEC et de la FINRA. La SEC désormais présidée par Paul Atkins choisi par⊠Donald Trump.
L'affaire DJT n'est pas juste un scandale de manipulation boursiĂšre. C'est un crash test dĂ©mocratique : jusqu'oĂč peut aller un homme public quand les frontiĂšres entre politique, finance et mĂ©dias se sont totalement dissoutes ?
Plusieurs élus ont demandé à la SEC de déterminer si ce message pouvait constituer une forme de "pump" illégal sur une action détenue par un officiel public. Cette dimension s'ajoute aux soupçons déjà existants concernant les transactions d'options avant l'annonce tarifaire.
Trump n'a pas crié "Buy the dip". Il a dit : Buy Me.
Buy the Dip, Bury the Ethics
« PANICANS are losers and failures! Don't be a PANICAN!! »
Le 8 avril 2025, alors que l'Amérique tremble sous l'impact des nouveaux droits de douane annoncés par Donald Trump, la représentante républicaine de Géorgie Marjorie Taylor Greene n'a que mépris pour ceux qui s'inquiÚtent.
Cette sortie médiatique aurait pu passer pour une simple provocation politique. Un jour plus tard, elle prend une tout autre dimension.
Parce que le 7 avril, la reprĂ©sentante avait discrĂštement dĂ©posĂ© ses dĂ©clarations obligatoires auprĂšs du CongrĂšs, rĂ©vĂ©lant une vague d'achats effectuĂ©s le 4 avril â exactement au moment oĂč le marchĂ© touchait son point le plus bas aprĂšs l'annonce initiale des tarifs douaniers.
Les documents officiels sont sans Ă©quivoque. Entre le 3 et le 4 avril, Marjorie Taylor Greene a investi entre 1K$ et 15K$ dans d'une quinzaine dâentreprises diffĂ©rentes : AMZN, AAPL, JPM, QCOM, LULU, RH, UPS, DELL, CAT, ODFL...
Cette liste ressemble Ă un index parfait des entreprises sensibles aux tarifs douaniers â celles-lĂ mĂȘmes qui allaient s'envoler si ces tarifs venaient Ă ĂȘtre suspendus. Un panel d'actions soigneusement sĂ©lectionnĂ©es, comme si elle disposait d'une information privilĂ©giĂ©e.
Le cas de Restoration Hardware ($RH) est particuliÚrement frappant. Le titre avait plongé de prÚs de 40% entre fin mars et début avril, passant de 250$ à environ 147$ suite à l'annonce des droits de douane. Greene l'achÚte précisément à son plus bas niveau le 4 avril. Cinq jours plus tard, aprÚs l'annonce de la suspension des tarifs, le titre bondit de 33,11%, approchant les 200$. Une entrée chirurgicale, au jour prÚs.
C'était la premiÚre fois qu'elle achetait cette action.
Plus troublant encore : le contraste entre ses paroles et ses actes. D'un cĂŽtĂ©, elle participe activement Ă ce que Trump a baptisĂ© la lutte contre les âpanicansâ. De l'autre, elle positionne silencieusement son portefeuille pour capter pleinement un Ă©ventuel revirement de politique.
Techniquement, rien d'illégal dans ce qu'a fait Marjorie Taylor Greene. Contrairement aux ministres ou aux hauts fonctionnaires, les membres du CongrÚs américain peuvent toujours acheter et vendre librement des actions individuelles. Sauf à savoir ce qui allait se passer par la suite.
Cela dit, le timing est encore une fois trĂšs troublant :
Un volume inhabituel d'achats concentrés sur une période trÚs courte, inhabituel par rapport à ses achats passés ;
Un timing parfait, juste aprĂšs la chute initiale et juste avant le rebond
Une communication publique agressive invitant à ne pas s'inquiéter des tarifs
La premiÚre acquisition de certains titres, comme RH, jamais présents dans son portefeuille auparavant
Une performance exceptionnelle de ses choix, largement supérieure au marché
Si l'on ajoute Ă cela sa proximitĂ© notoire avec Donald Trump, dont elle est l'une des plus ferventes supportrices au CongrĂšs, la question se pose naturellement : Marjorie Taylor Greene savait-elle que le prĂ©sident s'apprĂȘtait Ă suspendre les droits de douane qu'il venait d'instaurer ?
$TRUMP : Make Memes Great Again
Officiellement, c'est un jeton humoristique lancé pour "célébrer le combat pour la liberté". Officieusement, c'est une opération financiÚre millimétrée, avec 100M$ de dollars encaissés, une chute de 80%, et des milliers de petits porteurs ruinés.
Lancé le 18 janvier 2025, trois jours avant l'investiture présidentielle, le token $TRUMP a attiré plus d'un demi-million d'acheteurs et s'est briÚvement hissé parmi les 15 premiÚres cryptomonnaies par capitalisation.
The Meme That Went to Market
L'aube se lĂšve Ă peine sur les Ătats-Unis ce 17 janvier quand les premiers forums crypto s'enflamment. Une nouvelle Ă©toile est nĂ©e dans la constellation Solana : $TRUMP. Dans l'univers parallĂšle de la finance dĂ©centralisĂ©e, oĂč la valeur se crĂ©e parfois ex nihilo, un nouveau token vient d'apparaĂźtre, portant le nom du 45Ăšme â et dĂ©sormais 47Ăšme â prĂ©sident amĂ©ricain.
"C'est quoi l'utilitĂ© ?" demande un internaute. "C'est Trump, c'est tout," rĂ©pond laconiquement un autre. Dans ce monde oĂč la narration supplante souvent la fonctionnalitĂ©, cette explication semble parfaitement suffisante. Pas de technologie rĂ©volutionnaire, pas de problĂšme Ă rĂ©soudre, pas de service Ă offrir â juste un nom, une marque, une identitĂ© politique transformĂ©e en actif numĂ©rique.
48H plus tard, alors que le token commence dĂ©jĂ Ă attirer l'attention bien au-delĂ des cercles d'initiĂ©s, un message apparaĂźt sur les rĂ©seaux sociaux X et Truth Social. L'ancien prĂ©sident lui-mĂȘme, du haut de son compte officiel, publie :
My NEW Official Trump Meme is HERE! It's time to celebrate everything we stand for: WINNING!
Validé.
Le 20 janvier au matin, les traders se frottent les yeux devant leurs écrans : le prix du $TRUMP s'envole à 74$ amenant la marketcap à 14,5G$. Soit l'équivalent d'un fleuron industriel français, un poids lourd du CAC 40 créé en quelques jours.
En coulisses, les analystes blockchain notent un détail crucial qui échappera à la plupart des acheteurs enthousiastes : 80% de l'offre totale reste stratégiquement verrouillée et allouée à CIC Digital LLC, une filiale de la Trump Organization. Ces tokens sont verrouillés pour des périodes de 3 à 12 mois, suivis d'un déblocage quotidien progressif sur les 24 mois suivants. Les 20% restants sont répartis sur trois portefeuilles numériques soigneusement anonymisés.
Mais une analyse révÚle notamment que le wallet créateur5 du $TRUMP détient plus de 157M$ en tokens6, sur 888 tokens différents, tous liés à Trump.
Pump & Circumstance
Pour comprendre ce qui se joue réellement avec $TRUMP, il faut s'extraire du brouhaha médiatique et plonger dans les mécanismes économiques sous-jacents. Car si les gros titres s'attardent sur la valorisation spectaculaire, les véritables architectes de l'opération ont conçu quelque chose de bien plus ingénieux : une pompe à liquidités imparable.
Imaginez une machine oĂč chaque piĂšce que vous insĂ©rez rĂ©munĂšre non pas le propriĂ©taire du jeu, mais principalement les premiers joueurs. En deux semaines Ă peine, cette machine nommĂ©e $TRUMP a sorti 100M$ de frais transaction7, des fonds bien rĂ©els.
Les trois portefeuilles initiaux ont dĂ©ployĂ© une stratĂ©gie inspirĂ©e des montages financiers les plus sophistiquĂ©s de Wall Street, mais adaptĂ©e Ă l'environnement crypto. Au cĆur du dispositif : Meteora, une plateforme de finance dĂ©centralisĂ©e permettant d'appliquer des commissions variables sur chaque Ă©change.
En Ă©conomie traditionnelle, les frais de transaction constituent une friction, un "coĂ»t mort" qui rĂ©duit l'efficience des marchĂ©s. Dans l'architecture du $TRUMP, ces frais deviennent le moteur mĂȘme du profit. Chaque achat, chaque vente, chaque mouvement de panique ou d'euphorie gĂ©nĂšre des commissions qui ruissellent â pour reprendre un terme Ă la mode â vers les dĂ©tenteurs historiques via les pools de liquiditĂ©.
Plus les petits investisseurs s'agitent, plus la volatilitĂ© augmente, plus les Ă©changes se multiplient... et plus les initiĂ©s encaissent, qu'importe si le cours monte ou descend. Une structure qui transforme mĂȘme le krach final en opportunitĂ© de profit pour ses concepteurs. Le token $MELANIA lancĂ© (ou en tout cas validĂ©) par la PremiĂšre Dame quelques jours aprĂšs le $TRUMP a connu un sort similaire, s'effondrant de 90% pour atteindre 1,50 $ aprĂšs avoir culminĂ© Ă 13,73 $ par jeton.
Les analyses blockchain rĂ©vĂšleront plus tard un autre timing troublant : peu aprĂšs l'annonce prĂ©sidentielle, les wallets liĂ©s (de loin, mais pas ĂȘtre pas si loin) Ă l'Ă©quipe Trump commencent Ă transfĂ©rer mĂ©thodiquement leurs tokens vers diverses plateformes d'Ă©change.
Le processus ressemble à une chorégraphie millimétrique. Premier transfert : 2,3M de tokens depuis le wallet principal vers Binance. DeuxiÚme mouvement : 1,7M vers KuCoin. TroisiÚme acte : fractionnement des avoirs restants vers une constellation de plateformes décentralisées, rendant le traçage plus complexe.
La séquence évoque irrésistiblement le fameux pump and dump des penny stocks de Wall Street, immortalisé dans Le Loup de Wall Street, sauf qu'ici, l'influenceur n'est pas un courtier de Long Island.
Pump Fiction
Début février, les forums crypto sont devenus silencieux. Les mÚmes humoristiques ont cédé la place aux calculs de pertes. Le $TRUMP s'effondre sous la barre des 20$ le 2 février. Le token perdra encore de sa valeur dans les semaines suivantes, glissant jusqu'à 10$ mi-mars 2025, soit une chute de plus de 85% depuis son ATH8.
Les donnĂ©es consolidĂ©es par Reuters, en collaboration avec plusieurs cabinets d'analyse blockchain comme Chainalysis, estiment Ă prĂšs de 200â000 le nombre de portefeuilles crypto, principalement de HODLers ayant perdu de l'argent dans lâhistoire. L'analyse rĂ©vĂšle Ă©galement qu'au moins 50 des plus gros investisseurs ont chacun engrangĂ© des profits supĂ©rieurs Ă 10M$.
Un détail révélateur : le wallet créateur du $TRUMP a été actif bien avant l'annonce officielle. Le mint date du 17 janvier à 14hH01 UTC, tandis que l'annonce de Trump n'est survenue que le 18 janvier à 9H44 UTC. Durant toute la nuit, ce wallet a frénétiquement acheté de trÚs nombreux mÚmecoins liés à Trump... Au moins 250 tokens différents ont été achetés avant l'annonce officielle, pendant que le wallet continuait ses achats sans discontinuer. Puis, étrangement, quand l'annonce de Trump arrive, le compte cesse subitement d'acheter. Mais sa valorisation vient d'exploser.
Selon plusieurs enquĂȘtes, dont celle de 10x Research les portefeuilles initiaux ont mĂ©thodiquement liquidĂ© leurs positions dans les heures prĂ©cĂ©dant l'introduction du token sur les principales plateformes d'Ă©change centralisĂ©es9. Leur rapport indique explicitement que "la plupart des investisseurs prĂ©coces ont encaissĂ© leurs gains juste avant que les grandes plateformes ne listant le coin, alors que sa valeur dĂ©passait 60$ et atteignait briĂšvement 70$." Ce timing n'est pas anodin : c'est prĂ©cisĂ©ment le moment oĂč le grand public â moins technique, moins averti, mais plus nombreux â pouvait enfin accĂ©der facilement au token tant mĂ©diatisĂ©. Comme souvent, le retail a servi de liquiditĂ©âŠ
Les pertes liées à la chute du cours du $TRUMP rappellent les cycles baissiers précédents, notamment le boom et l'effondrement des NFT en 2021.
Mais trois facteurs rendent le cas $TRUMP particuliÚrement préoccupant :
La vĂ©locitĂ© : l'ensemble du cycle â lancement, bulle, implosion â s'est dĂ©roulĂ© en moins d'un mois, contre plusieurs trimestres pour des cycles spĂ©culatifs comparables.
L'opacité structurelle : malgré la transparence technique de la blockchain, l'architecture des entités juridiques derriÚre l'opération forme un labyrinthe de sociétés-écrans et de nominations croisées.
La dimension politique : pour la premiÚre fois dans l'histoire financiÚre moderne, un candidat à la présidence est directement impliqué dans une opération spéculative touchant des centaines de milliers de citoyens-électeurs.10
L'Ă©conomiste Robert Shiller, spĂ©cialiste des bulles spĂ©culatives, aurait probablement trouvĂ© dans le cas $TRUMP une parfaite illustration de sa thĂ©orie des "spirales de feedback narratif" â oĂč la valeur d'un actif dĂ©pend moins de ses fondamentaux que de l'histoire qu'on raconte Ă son sujet. Sauf qu'ici, les narrateurs et les bĂ©nĂ©ficiaires sont les mĂȘmes personnes.
Moralité 0x00
DerriÚre le phénomÚne $TRUMP se cache un projet encore plus ambitieux : World Liberty Financial (WLF). Durant tout le mois de décembre, cette plateforme appartenant directement à Trump a multiplié les achats (ETH, LINK, AAVE, ONDO, etc.) pour plusieurs dizaines de millions de dollars.
Le lendemain mĂȘme de l'annonce du $TRUMP, WLF a achetĂ© pour 48M$ de dollars d'ETH, portant ses rĂ©serves Ă 33 600 ETH. En rĂ©alitĂ© la famille Trump a pris le contrĂŽle total de World Liberty Financial tandis que celle-ci levait plus d'un demi-milliard de dollars11. Initialement lancĂ©e Ă l'automne 2024, WLF a pour objectif de permettre Ă ses utilisateurs d'accĂ©der Ă des services financiers utilisant les cryptomonnaies sans intermĂ©diaires comme les banques, via la DeFi. WLF travaille Ă©galement sur le stablecoin USD1.
Le deal conclue avec WLF amÚne les Trump à obtenir 75% des revenus nets provenant des ventes de tokens et à 60% des opérations de WLF une fois l'activité principale lancée. Selon les calculs de Reuters, la famille Trump aurait déjà pris environ 400M$ en frais. AprÚs que les co-fondateurs de WLF aient pris leur part, il ne resterait à l'entreprise⊠que 5% des 550M$ levés à ce jour pour construire la plateforme.
Le mois dernier, câest Eric et Donald Trump Jr., qui ont pris une participation minoritaire dans le mineur American Bitcoin12 qui vise une IPO.
Ă l'heure oĂč le marchĂ© crypto retrouve des couleurs et oĂč la Maison Blanche affiche dĂ©sormais un soutien sans faille Ă l'innovation blockchain, cette convergence entre pouvoir politique et intĂ©rĂȘts financiers personnels pose de sĂ©rieuses questions. Plusieurs membres du CongrĂšs ont dĂ©jĂ appelĂ© Ă une enquĂȘte sur le mĂšme coin de Trump. Le reprĂ©sentant Sam Liccardo, un dĂ©mocrate qui reprĂ©sente la Silicon Valley, a mĂȘme introduit le Modern Emoluments and Malfeasance Enforcement Act (MEME Act), qui interdirait l'Ă©mission ou l'approbation de tout actif financier par le prĂ©sident, les hauts fonctionnaires de la Maison Blanche ou les membres du CongrĂšs, ou leurs conjoints ou enfants.
Conclusion
Est-ce quâil y a eu des agissements illĂ©gaux dans toutes ces histoires ? Je ne suis pas juge, et mon enquĂȘte a ses limites. Mais Ă force d'accumuler des coĂŻncidences troublantes, des timings chirurgicaux, et des intĂ©rĂȘts croisĂ©s entre dĂ©cisions politiques et bĂ©nĂ©fices personnels, le doute sâinstalle et les questions se posent.
Un prĂ©sident ne devrait pas dire (faire ?) ça, aurait on Ă©crit en France. Dans un contexte oĂč la confiance envers les institutions, la finance et la politique est dĂ©jĂ particuliĂšrement fragile, ces tweets amplifient dangereusement un climat de suspicion gĂ©nĂ©ralisĂ©e. MĂȘme si ces agissements restent techniquement lĂ©gaux aujourdâhui, leur lĂ©gĂšretĂ© et leur imprudence alimentent un sentiment profond de malaise et de dĂ©fiance.
On ne sait pas encore si des lignes rouges ont Ă©tĂ© franchies. Mais ce quâon sait, câest que ce genre de pratiques entretient la confusion et fragilise davantage la crĂ©dibilitĂ© dĂ©jĂ Ă©branlĂ©e de ceux qui nous gouvernent.
Ă lâheure oĂč les dĂ©mocraties sont de plus en plus fragiles, personne ne devrait laisser la place au doute.
Je mâappelle Benjamin Charles, et je fais du conseil en branding, positionnement et crĂ©ation de contenus pour des entreprises de la finance, de lâimmobilier et du web3.
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Le SPY est un ETF qui réplique le S&P 500.
Le QQQ est un ETF qui réplique le Nasdaq-100.
Heure de New-York, quâon va garder tout au long du texte.
Le chiffre est le prix de lâoption.
Le C dĂ©signe que câest un call, donc un achat.
5e2qRc1DNEXmyxP8qwPwJhRWjef7usLyi7v5xjqLr5G7
Au 11 mars 2025 en rĂ©alitĂ©, cette partie de la newsletter a Ă©tĂ© Ă©crite mais abandonnĂ©e. Je nâai pas refait lâintĂ©gralitĂ© de lâenquĂȘte puisque ça ne change pas le fond.l
Trump's meme coin made nearly $100 million in trading fees, as small traders lost money, Tom Wilson and Michelle Conlin, Reuters, 3 février 2025
All time high, sommet historique
TRUMP Token TakedownâDid Insiders Plan The Crash?, Trading View, 13 mars 2025
Bon ok, depuis, yâa eu le zozo argentin
How the Trump family took over a crypto firm as it raised hundreds of millions, Tom Wilson, Tom Bergin, Lawrence Delevingne and Michelle Conlin, Reuters, 1er avril 2025
« American Bitcoin » : la famille Trump se lance dans le minage de BTC avec Hut 8 !, Journal du Coin, 31 mars 2025











https://open.substack.com/pub/ajmalkk/p/the-long-game-why-playing-hardball?utm_source=share&utm_medium=android&r=5k6hlm
Excellent article.
Le premier que je vois avec autant de détails et de professionnalisme.
Merci pour ce travail